Une enquête réalisée auprès de l’ensemble des viticulteurs des vignobles du pourtour méditerranéen permet de cartographier le territoire sur lequel le ravageur Cryptoblabes gnidiella est implanté, d’évaluer les pertes de rendement qu’il entraîne et d’identifier les facteurs qui augmentent les risques de dégâts.
Cryptoblabes gnidiella (également connu sous le nom de pyrale du daphné) est un ravageur présent dans le vignoble français du pourtour méditerranéen depuis deux décennies. L’IFV et ses partenaires techniques régionaux (Chambre d’agriculture, CivamBio, Sudvinbio…) ont réalisé une enquête auprès de l’ensemble des viticulteurs de ce territoire pour cartographier l’implantation du ravageur et évaluer les pertes de récolte qu’il occasionne. 208 réponses ont pu être exploitées, couvrant une surface de 13 510 ha.
Carte de répartition géographique des réponses à l’enquête
L’enquête révèle d’abord un besoin de formation à l’identification des différents stades de développement du ravageur. En effet, 44% des viticulteurs qui déclarent des dégâts de Cryptoblabes sur certaines de leurs parcelles expliquent ne pas savoir identifier le papillon, et deux tiers de ceux qui n’ont jamais vu le ravageur pensent ne pas pouvoir identifier ni les adultes ni les larves.
Des dégâts dans 63% des exploitations
63% des viticulteurs ont déclaré des dégâts de Cryptoblabes sur certaines de leurs parcelles dans les cinq dernières années.
Le ravageur gagne progressivement l’intérieur des terres. En 2003, les premiers dégâts significatifs concernaient des vignes à moins de 10 km de la mer. En 2023, des papillons ont été capturés dans la Drôme et des larves ont fait des dégâts en Ardèche, à 110 km du littoral.
Des études statistiques approfondies sont nécessaires pour modéliser les zones d’expansion future de la présence de Cryptoblabes.
5% de pertes de récolte par an
Les résultats de cette enquête représentent à ce jour l’estimation la plus précise de l’impact économique de l’insecte. Les pertes quantitatives de récolte sont en moyenne estimées à environ 5% par an sur l’ensemble des vignes. Elles vont jusqu’à 20% dans les parcelles les plus attaquées, sans compter les pertes qualitatives dues à la dégradation de l’intégrité des raisins ou à l’anticipation de la date de vendange.
Les zones viticoles affectées se caractérisent surtout par une vigueur moyenne à forte, avec des grappes compactes, et la présence de cépages noirs, tels que le grenache et la syrah. A vigueur comparable, les cépages tardifs semblent plus impactés que les cépages précoces. Les viticulteurs citent régulièrement l’humidité du millésime comme facteur aggravant de la pression du ravageur.
149€/ha en bio
97 des 128 viticulteurs déclarant des dégâts de Cryptoblabes protègent leur vignoble. 56 le font dans le cadre d’une lutte conjointe avec l’eudémis. 41 choisissent des traitements spécifiques.
Les interventions sont majoritairement déclenchées par le piégeage des adultes. Les viticulteurs utilisant un insecticide de synthèse dans leur stratégie de lutte contre ce ravageur sont 76% à être satisfaits de l’efficacité de leurs traitements. Ceux qui utilisent uniquement des produits autorisés en agriculture biologique ne sont que 43% alors qu’ils déploient en moyenne 2,5 traitements contre 1,9 en conventionnel.
En conventionnel, 89% des viticulteurs optent des produits à base d’émamectine. La lambda-cyhalothrine, l’étofenprox, le spinetoram et l’esfenvalérate sont les autres produits les plus utilisés.
En bio, 63% des viticulteurs traitent avec du spinosad seul. 28% le combine avec du Bacillus thuringiensis, et 6% utilisent du Bacillus thuringiensis seul. 5% des viticulteurs déclarent poser des trichogrammes en complément d’autres traitements insecticides.
Le coût moyen de la protection 100% bio s’élève à 149 € contre 110 € dans les stratégies incluant au moins une application de substance active non AB. Ces moyennes dissimulent de fortes variations. En bio, les viticulteurs dépensent entre 50 € pour 1 traitement et 430 € pour 6 traitements et une pose de trichogrammes. En conventionnel, le coût de la protection varie de 36 à 330 €.
Perspectives
Les résultats de cette enquête démontrent qu’il est nécessaire :
- D’améliorer la communication sur la reconnaissance de ce ravageur en particulier en amont « du front de progression »,
- De décrire finement la biologie de cet insecte pour optimiser la gestion de la protection sanitaire et limiter le recours aux traitements insecticides,
- D’améliorer l’évaluation des impacts économiques de ce ravageur,
- D’améliorer l’efficacité de la protection avec les produits autorisés en agriculture biologique et d’apporter des outils de gestion à base de produits de biocontrôle.
Pour en savoir plus : télécharger l’enquête
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