Dépérissements

Les maladies du bois de la vigne

Les maladies du bois préoccupent les viticulteurs car elles provoquent la destruction de la souche. Elles mettent ainsi en péril leur outil de production et sa longévité et par conséquent la viabilité des exploitations.

La difficulté à proposer des méthodes de lutte à court terme est liée à une mauvaise connaissance de ces maladies mettant en jeu plusieurs champignons et à la durée des expérimentations trop longues pour révéler leur efficacité.

Notre objectif est d’apporter de nouvelles connaissances sur ces maladies (étiologie, épidémiologie, écophysiologie,….) et de trouver des méthodes de lutte respectueuses de l’environnement et économiquement acceptables.

Derniers résultats acquis

Identification des agents pathogènes responsables de dépérissements chez les jeunes plantes

Cette action menée depuis 2007 a permis d’identifier plusieurs maladies : BDA (Côtes-de-Provence Sainte-Victoire, Côteaux d’Aix-en-Provence, Bourgogne) lié à Neofusicoccum parvum, la verticilliose (Chablis, Sancerre) associée à Verticillium longisporum, un dépérissement lié au Diaporthe ampelina (appelé auparavant Phomopsis viticola) (Sussex, Côtes-de-Provence Sainte-Victoire). Un autre dépérissement a été observé dans le vignoble de Cognac. Il se traduit par des tigrures de feuilles et des nécroses sectorielles de couleur brune dans le rameau commençant à partir de bourgeons. Il est associé au champignon Diplodia mutila.

Détermination du rôle des contaminations annuelles sur l’extériorisation des symptômes.

Les études sur le mode d’action de l’arsénite de sodium réalisées dans le cadre de l’appel à projet Casdar V1301 ont permis d’émettre l’hypothèse sur le rôle des contaminations annuelles comme étant responsables des symptômes herbacés. Pour valider ou non cette hypothèse, il est nécessaire de trouver une préparation phytopharmaceutique qui a les mêmes propriétés que l’arsénite de sodium. Ce produit avait la particularité d’éradiquer les sources d’inoculum et de limiter le développement des agents pathogènes dans les rameaux. Aujourd’hui, les études portent sur la recherche de telles préparations.

Influence des facteurs environnementaux

L’identification des facteurs environnementaux ayant une incidence sur la manifestation des symptômes des maladies du bois est réalisée par le biais d’une enquête auprès des viticulteurs et de l’observation de ces maladies sur un réseau de parcelles en Alsace. Ce réseau, créé en 2003, est aujourd’hui constitué de 74 parcelles mises à disposition par trente viticulteurs. Initialement le réseau était composé de trente parcelles pour chacun des cépages étudiés (Gewurztraminer, Auxerrois, Riesling). Sur chacune de ces parcelles, des notations sont réalisées chaque année en septembre sur les mêmes trois cents plantes, réparties en six placettes de cinquante ceps aléatoirement disposées.
Des entretiens avec les viticulteurs ont été réalisés en 2018 pour connaître précisément les caractéristiques des parcelles (type de sol, matériel végétal, …) et les pratiques culturales qu’ils utilisent depuis 2003 (travaux en vert, taille, entretien du sol, …). Les premières analyses statistiques indiquent que trois facteurs influenceraient l’expression de l’esca/BDA. Il s’agit du cépage, du type de sol et de la contrainte hydrique. Des tests statistiques supplémentaires sont en cours pour permettre d’identifier de possibles pratiques culturales ayant une incidence sur ces maladies (taille laissant des chicots ou non, période de taille, entretien du sol, fertilisation, opérations en vert comme l’ébourgeonnage ou l’épamprage, recépage, …).

Dans le Beaujolais, plusieurs pratiques culturales (mode de conduite, densité de plantation, irrigation) sont aujourd’hui évaluées. Du fait de la durée des expérimentations mises en œuvre, il n’est pas possible de tirer des conclusions définitives sur de tels essais en 2015 2016. Cependant, les premiers résultats permettent de mettre en évidence l’influence de quelques pratiques culturales sur l’extériorisation des maladies du bois, essentiellement l’eutypiose. Ainsi, la taille cordon est plus sensible à l’eutypiose. Pour l’esca/BDA, les résultats sont variables d’une situation à une autre et il est difficile de tirer une conclusion quant à l’influence de la taille sur ces maladies. La situation semble avoir plus d’importance que les modalités testées.

Par ailleurs, un modèle conceptuel explicatif des maladies a été réalisé au moyen d’une analyse bibliographique et la rencontre d’experts. Il permettra de proposer puis d’ordonner les différents facteurs impliqués dans ces maladies paraissant complexes. La construction de prototypes permettra ensuite de tester les itinéraires retenus.

Caractérisation de l’effet de deux facteurs abiotiques sur l’interaction Botryosphaeriaceae –plante.

Ce travail, initié en octobre 2016 dans le cadre d’une thèse en partenariat avec l’URCA concerne l’impact de la température et du statut hydrique du sol sur les interactions Botryosphaeriaceae – vigne chez deux cépages, l’Ugni blanc et le Chardonnay. Réalisés sur des boutures en conditions contrôlées, les tests ont montré, sur des boutures d’Ugni blanc, des modifications de la photosynthèse en fonction des différents stress abiotiques testés. La combinaison des stress hydrique et thermique semble avoir un impact plus important que ces stress abiotiques seuls. Elle provoque notamment une réduction de croissance des boutures et augmente l’agressivité de Neofusicoccum parvum. La réponse de l’Ugni blanc à l’infection tend à différer en fonction des stress abiotiques appliqués, comme le montrent les analyses transcriptomique et métabolomique. La réponse métabolique à l’infection est plus importante à la suite d’un stress thermique, comparé à un stress hydrique, et accrue lors de la combinaison de ces deux stress abiotiques. Les lipides et les métabolites secondaires représentent les deux premières catégories fonctionnelles impactées.

Mieux comprendre les interactions hôte – pathogène à l’aide de l’imagerie

Le projet VITIMAGE a pour objectif d’évaluer le potentiel des approches d’imagerie pour mieux décrire les interactions entre les champignons et la vigne. Par des approches d’IRM (étude des protons et de l’eau) et de tomographie à Rayons X (densité des tissus), nous réalisons le suivi de la colonisation du bois par différents champignons inoculés en conditions contrôlées. En parallèle, nous procédons à la détection, la localisation et à la quantification de différents types de tissus nécrosés dans des ceps prélevés au vignoble et dont l’historique est connu. Les premiers résultats montrent que la micro-imagerie non-destructive offre des outils appropriés pour le suivi de la progression des pathogènes dans le bois, mettant en évidence des signatures spécifiques de la dégradation par les champignons pathogènes, et qui pourraient permettre le développement de nouveaux marqueurs pour la détection et l’étude des maladies du bois. Ces approches apportent ainsi de nouvelles perspectives pour accroître nos connaissances sur ces maladies paraissant complexes. Elles pourraient à terme être utilisées pour détecter et diagnostiquer ces maladies, évaluer la tolérance des cépages dans les programmes de sélection, et évaluer l’efficacité des nouvelles molécules de lutte ou agents de biocontrôle mis sur le marché.

Les méthodes de lutte

Les travaux effectués dans le cadre de l’AAP Casdar (2010-2011) ont montré que la technique de greffe-bouture herbacée permettait d’obtenir des plants totalement exempts des champignons liés aux maladies du bois. Pour comprendre la vitesse à laquelle une parcelle saine est réinfectée, et de ce fait, évaluer l’intérêt ou non de produire des plants sains en sortie de pépinière, une parcelle a été implantée en 2013 dans le Sud-Ouest.

Elle compare du matériel végétal issu de greffage herbacé à des plants réalisés en greffage ligneux à partir des mêmes origines de greffons et porte-greffes. Les analyses microbiologiques réalisées sur les greffes-boutures herbacées de Sauvignon blanc /110R avant plantation ont confirmé l’absence de champignons pathogènes, contrairement aux plants traditionnels contaminés à près de 77% (tissus internes et externes). Effectuées un an après la plantation, elles montrent déjà la présence des Botryosphaeria dans les greffes-boutures herbacées. Un an plus tard, et ne considérant que la présence des Botryosphaeriaceae dans les tissus internes, les deux lots montrent un niveau de contamination proche. La convergence des courbes est très rapide, laissant augurer pour 2017 de taux de contamination comparables pour les deux lots de plants. Dès lors, si cette tendance se confirme, des conclusions devront rapidement être tirées concernant l’importance relative du primo-inoculum issu de la pépinière et les contaminations constatées au champ. En particulier, l’intérêt des méthodes prophylactiques basées sur la désinfection du matériel de pépinière devra être revu.

Des pratiques de restauration de ceps atteints par l’esca/BDA ont aussi été évaluées : le curetage, le recépage et le regreffage.

  1. La première technique, évaluée dans deux vignobles différents (Alsace, Provence-Alpes-Côte d’Azur) a consisté à enlever le bois dégradé de ceps malades à l’aide d’une petite tronçonneuse. En comparaison à des ceps malades et non curetés, il a été observé qu’en 2016 cette pratique semble limiter l’expression des symptômes foliaires d’esca/BDA. La vigueur de ceps curetés serait au moins équivalente à celle de ceps non curetés et n’exprimant pas de symptômes en 2016. Enfin, cette pratique n’a aucun effet sur le statut hydrique de la plante. Quant au temps de travail nécessaire pour réaliser cette opération chirurgicale, il est très variable selon le système de taille. Pour les ceps conduits en guyot double, il a été estimé à environ 5 mn par cep et pour ceux menés en cordon, à 15 min par cep. Cette expérimentation sera suivie sur plusieurs années pour connaître la durée de l’efficacité d’un tel traitement.
  2. La deuxième technique évaluée dans le vignoble du sud-est de la France n’a pas permis aujourd’hui de montrer son efficacité envers l’esca/BDA.
  3. Quant à la troisième technique, le regreffage, qui consiste à greffer un nouveau greffon en place, un essai a été mis en place dans le Beaujolais sur le cépage Gamay. Des ceps ont été regreffés en 2015, 2016 et 2017. Les premiers résultats montrent que le regreffage reste une opération délicate, avec un pourcentage de réussite faible. Les symptômes initiaux (apoplexie ou symptômes foliaires) ne semblent pas avoir d’influence sur les résultats du regreffage. Cependant, au bout de trois ans (ceps regreffés en 2015), le pourcentage de ceps vivants et sains est plus important avec le regreffage que si l’on ne fait rien. Ces résultats demandent à être confirmés dans le temps.

A côté de ces techniques de restauration, une autre expérimentation a été mise en place sur le cépage Chardonnay pour étudier l’intérêt de la taille mutilante face au développement des maladies du bois. L’essai, en 4 blocs de 75 ceps chacun, a démarré à la plantation, en 2015, en comparant une taille non mutilante, type Guyot Poussard, et la taille réalisée par le viticulteur. Les observations ont démarré en 2018 mais n’ont pas mises en évidence de différence entre les deux modalités. Ce type d’étude est à mener sur le long terme.

Identifier les sources de tolérance à Eutypa lata et aux Botryosphaeriaceae au sein des diversités génétiques de Vitis vinifera (clonale et variétale)

Concernant l’étude, toujours en cours, sur l’identification des sources de tolérance aux agents de l’eutypiose et du BDA au sein des diversités génétiques de Vitis vinifera (clonale et variétale), elle a consisté à cribler les bases de données existantes pour bien annoter les régions du génome contenant les 5 gènes candidats, à cribler une population d’autofécondation de Savagnin pour la tolérance envers les Botryosphaeriaceae, à réaliser le phénotypage de 10 clones de divers cépages (Chenin, Sauvignon, Cabernet franc) après inoculation avec les Botryosphaeriaceae et à développer des outils de PCR quantitative.

Evaluation de l’impact œnologique et microbiologique

Ce travail initié en 2014 et poursuivi en 2015 et 2016 dans le Val de Loire sur le Melon de Bourgogne et le Sauvignon, cépages sensibles à l’esca/BDA, a permis, par comparaison de ceps symptomatiques et asymptomatiques, de montrer une perte de récolte estimée par le poids des grappes et de jus au pressurage, un retard de la maturation caractérisé par une baisse de la teneur en sucres, une augmentation de l’acidité totale, de l’acide malique et de l’azote assimilable et une fermentescibilité accrue. La biodiversité levurienne en général est meilleure dans les modalités apparemment saines. Enfin, il a été montré une différence significative entre les modalités au niveau de l’acidité et la teneur en certains composés aromatiques. La modalité « malade » n’est jamais la modalité la moins appréciée et est au contraire souvent l’une des préférées.

Les partenaires

Université de Reims Champagne-Ardenne, Université de Haute-Alsace, UMR INRA SAVE/Bordeaux Sciences Agro, Bioger INRA, UMR Agroécologie Dijon, Technische Universität Muenchen (Allemagne), Université de Fribourg (Suisse), Supagro INRA UMR System, INRA AGAP équipe DAAV, Montpellier, Sicarex Beaujolais, UMT GénoVigne, CIRAD plateforme PHIV, MRI, Tridilogy, BioNanoNMRI, CNRS, Laboratoire Charles Coulomb, Université Montpellier MUSE, INRA, APLIM, Chambres d’agriculture, interprofessions, lycées agricoles.

Focus

Fiches techniques sur les maladies du bois.

Accédez

Description des symptômes des maladies du bois

Ces 3 fiches décrivent de façon très pratique, photos à l’appui, les symptômes liés à des maladies du bois. (août 2016)

Dépérissement lié au Diaporthe
Le pied noir
La verticilliose

Maladies cryptogamiques du bois de la vigne

Symptomatologie et agents pathogènes (nouvelle version, 168 pages, Janvier 2016)

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Publications

Communications scientifiques

  • Berstch C., Ramirez-Suero M., Magnin-Robert M., Larignon P., Chong J., Abou-Mansour E., Spagnolo A., Clément C. & Fontaine F. 2013. Grapevine trunk diseases: complex and still poorly understood syndromes. Plant Pathology. 62, 243-265.

  • Larignon P., Fontaine F., Farine S., Clément C. & Berstch C., 2009. Esca et Black Dead Arm : deux acteurs majeurs des maladies du bois chez la Vigne. C.R. Biologies de l’Académie des Sciences, 332, 765-783.

  • Moisy C., Berger G., Flutre T., Le Cunff L. & Péros J.P. 2017. Quantitative Assessment of Grapevine Wood Colonization by the Dieback Fungus Eutypa lata, J. Fungi: 3. DOI: doi:10.3390/jof3020021.

  • Mondello V., Larignon P., Armengol J., Kortekamp A., Vaczy K., Prezman F., Serrano E., Rego C., Mugnai L., Fontaine F. 2018. Management of grapevine trunk diseases: knowledge transfer, current strategies and innovative strategies adopted in Europe. Phytopathologia Mediterranea. 57, 369-383.

  • Songy A., Fernandez O., Clément C., Larignon P. & Fontaine F. 2019. Grapevine trunk diseases under thermal and water stresses. Planta. doi.org/10.1007/s00425-019-03111-8

Communications techniques et vulgarisation

  • Abidon C. & Malblanc S. 2018. Bilan de l’année 2018 sur l’observatoire alsacien des maladies du bois, Revue des vins d’Alsace., n°11, novembre 2018, pp. 10-11.

  • Cahurel J.Y. 2013. Suivi des maladies du bois sur quelques essais mode de conduite. Les 22èmes Entretiens du Beaujolais, 18 avril 2013, Saint-Jean d’Ardières, 5-10.

  • Larignon P. 2010. Dépérissement sur jeunes plantes. Des symptômes liés au champignon Neofusicoccum parvum déjà connu comme lié au black dead arm sur vigne adultes. Phytoma. 635, 44-46.

  • Larignon P. 2015. Maladies du bois de la vigne : Un fléau pour le vignoble. Le Vigneron des Côtes-du-Rhône et du Sud-Est. 845, 20-24.

  • Larignon P. 2016. Maladies cryptogamiques du bois de la vigne : symptomatologie et agents pathogènes. site national IFV. 168 pages.

  • Larignon P. 2018. Compte rendu des journées maladies du bois de la vigne. Journées du Groupe National des maladies du bois de la vigne. Dijon, 29-31 octobre 2018.

  • Larignon P. & Fontaine F. 2018. Comprendre le mode d’action de l’arsénite de sodium afin de proposer de nouveaux moyens de lutte. Actes de colloque de V’innodays, Toulouse 11 janvier 2018, 9-19.

  • Larignon P., Coarer M., Grosjean C. & Morvan G. 2018. Vigne : premières observations de la verticilliose en France. Phytoma. 715, 41-43.

  • Larignon P., Baptiste C., Mallet J.F., Granier J.P. & Bloy P. 2013. Greffage en vert, premier test contre les maladies du bois. Phytoma, 661, 33-35.

  • Larignon P., Coarer M., Larbre C., Girardon K., Viguès V. & Yobregat O. 2009. Maladies du bois de la vigne, côté pépinières. Identification sur le matériel végétal des sources d’inoculum des champignons associés aux maladies du bois. Phytoma, n°622-623n 46-48.

  • Yobregat O. & Abidon C. 2019. Le curetage des souches résultats récents pour une technique ancienne. Actes de colloque, 4èmes Assises des vins du Sud-Ouest V’innodays, Toulouse 24 janvier 2019, 55-59.

  • Yobregat O. & Larignon P. 2014. Les greffes-boutures herbacées, matériel d’étude précieux pour évaluer les contaminations au vignoble. La Grappe d’autan. 100, 6-7.

  • Yobregat O., Larignon P., Mille B., Bloy P., Carcenac D., Saccharin P., Dias F. & Charlot S. Etude de la cinétique de contamination de jeunes plants par les champignons responsables des maladies du bois.