Dépérissements

Il existe des dépérissements spécifiques à certaines variétés (cépage ou porte-greffe) : c’est le cas de 2 dépérissements pour lesquels des recherches spécifiques ont été menées : c’est le cas du Dépérissement de la Syrah et du dépérissement associé au 161-49C.

Déperissement de la Syrah

Le dépérissement de la Syrah, caractérisé par le rougissement du feuillage à l’automne et des crevasses au point de greffe est un problème grave dont l’issue est souvent la mort prématurée des ceps. Identifié au début des années 1990 dans le sud de la France, ce dépérissement a concerné l’ensemble de l’aire d’implantation de ce cépage. Les pertes et les frais de remplacement étant imprévisibles et les viticulteurs hésitaient à planter de nouvelles parcelles avec ce cépage pourtant qualitatif. Les travaux menés depuis plus de quinze ans ont permis d’obtenir de nombreux résultats et des solutions concrètes présentés ici.

 

Des crevasses à la mort en passant par les rougissements : décryptage des symptômes

Des analyses histologiques (au niveau des tissus) ont mis en évidence que les crevasses localisées au point de greffe résultent d’un dysfonctionnement localisé du cambium, tissu à l’origine de la formation des vaisseaux conducteurs (Xylème et liber). L’arrêt de fonctionnement du cambium est associé à un problème de différenciation des tissus, à une accumulation de polyphénols ce qui conduit et à une dégradation localisée des tissus et à la formation des crevasses.

Les rougissements foliaires s’expriment à la fin de l’été ou à l’automne, plusieurs années après la formation des crevasses. Ils ne doivent pas être confondus avec d’autres rougissements liés à des viroses (enroulement), des carences ou des traumatismes mécaniques… Dans le cas du dépérissement, le rougissement est toujours associé aux crevasses. Les analyses ont montré, dans ces feuilles, une accumulation anormale d’amidon et de polyphénols. Ces phénomènes se rapprochent de ceux observés dans le cas de rougeôts traumatiques (étranglement des rameaux). De fait, des essais ont permis de montrer que les crevasses agissaient à la manière d’une incision annulaire, empêchant la redescente des sucres et d’autres composés vers les racines, qui s’accumulent alors dans les parties aériennes.

La mort, quant à elle, survient suite à un épuisement progressif des réserves du cep. Tant que les sucres sont produits en excès par rapport aux besoins prioritaires du cep (remplissage des grappes, pousse de la végétation) et que les crevasses le permettent, les réserves sont rechargées. Toutes les situations qui perturbent la bonne remise en réserves sont susceptibles d’être des facteurs aggravant en accélérant la survenue de la mort. C’est notamment le cas de la contrainte hydrique ou un feuillage en mauvais état, qui stoppent ou freinent la production de sucres ou a contrario des fortes productions ou des excès végétatifs.

Etat des lieux à l’international

Ce syndrome a été identifié dans la quasi-totalité des pays viticoles cultivant de la Syrah dans des conditions environnementales très différentes et notamment dans les principaux pays producteurs que sont, l’Argentine, l’Espagne, l’Afrique du Sud, les Etats-Unis (Californie) et le Chili. La question reste posée pour l’Australie où, à notre connaissance, de tels symptômes n’ont encore jamais été mis en évidence.

Le matériel végétal : impact du clone de Syrah

Un des résultats majeurs obtenus est la différence de sensibilité entre les clones de Syrah. Sur les 16 clones précédemment agréés, les 7 clones les plus sensibles ont été radiés en 2011. Un nouveau programme de sélection clonale a en parallèle été initié à partir d’accessions présentes en collections d’étude et deux conservatoires. L’utilisation simultanée des marqueurs histologiques et génétiques a permis d’accélérer le processus d’agrément : 3 clones issus de cette nouvelle sélection ont été agréés début 2013.

Derniers résultats : le renouvellement de la gamme de clones se poursuit, 7 clones sont maintenant agréés :
– 6 clones « non-sensibles » : 470, 524, 747, 1140, 1141 et 1188
– et le clone 471 moyennement sensible

La procédure de radiation des 5 derniers clones sensibles (100, 174, 300, 525 et 877) est en cours.

Impact du mode de greffage et du porte-greffe

Les crevasses sont observées avec les différents modes de greffage sur table et ce, quelles que soient les concentrations d’hormones utilisées dans les essais suivis. On peut donc exclure que la greffe en oméga ou l’hormonage soit à l’origine du syndrome. En revanche, les greffes en place ou greffes-boutures-herbacées semblent retarder l’apparition des symptômes de quelques années, mais ne permettent pas de les éviter totalement.
Tous les porte-greffes sont concernés, néanmoins, le 110 R et le 99 R se distinguent par une sensibilité accrue et sont donc déconseillés si un autre choix de porte-greffe est possible. Quand la situation agronomique l’exige (terrain séchant, schistes, sol acide), le 110 R peut être utilisé avec les clones non sensibles, l’effet du clone dominant largement l’effet du porte-greffe.

Qui se cache derrière « l’effet clone »
  • L’identification des causes du dépérissement a occupé une place prépondérante dans nos études avec notamment la recherche d’éventuels agents pathogènes impliqués. Des recherches approfondies ont été menées sur le sujet : elles ont permis de mettre hors de cause les champignons, bactéries, phytoplasmes et viroïdes. Les travaux sur les virus permettent d’écarter l’implication de 23 des principaux virus capables d’infecter la vigne. En parallèle, aucune transmission à d’autres cépages n’a été observée dans les essais spécifiquement mis en place (transmission par greffage).
  • En revanche, l’un des trois marqueurs génétiques utilisés pour la distinction clonale s’est avéré fortement corrélé à la sensibilité au dépérissement sur plus de 300 accessions testées. La découverte de ce marqueur et l’identification d’une sensibilité clonale variée a conduit à formuler l’hypothèse d’une origine génétique au syndrome. Différentes approches complémentaires ont été initiées afin d’identifier le ou les gènes potentiellement impliqués dans l’apparition des crevasses. Les études sont en cours.

Derniers résultats : l’origine génétique des crevasses démontrée !
Parmi ces différentes approches, figure l’observation d’éventuels symptômes (= phénotypage) sur des individus issus de croisements de clones sensibles ou non-sensibles.
En 2018 des observations ont ainsi été réalisées sur 2 populations issues d’autofécondations du clone 383 (très sensible) et du 470 (non-sensible) plantées depuis 4 ans. Des crevasses ont été observées sur les descendants issus de l’autofécondation du clone 383 alors qu’aucune crevasse n’a été observée dans la population issue de l’autofécondation du clone 470. Ce résultat permet de valider que la formation des crevasses est transmissible à la génération suivante ce qui confirme son origine génétique !

Pour conclure

L’ensemble des connaissances acquises permet de proposer un schéma faisant intervenir trois groupes de facteurs : le premier « prédisposant », le deuxième « déclenchant » l’apparition des crevasses et le troisième « aggravant » conduisant les plants crevassés à la mort.
La blessure suivie d’une mauvaise réorganisation cellulaire (facteur déclenchant) engendrerait la formation de crevasses sur une Syrah prédisposée (= clone sensible). Les mêmes mécanismes appliqués à une Syrah non prédisposée (= clone non sensible) ne conduiraient pas à la formation de crevasses. Le facteur déclenchant serait donc la blessure engendrée par le greffage ou la taille chez les plants franc-de-pied.
Il est logique de penser que les réorganisations cellulaires engendrées par la greffe puissent être différentes selon les porte-greffes (ce qui expliquerait la sensibilité exacerbée observée avec certains d’entre eux) et le type de greffe (effet modulateur)
Au vignoble, toutes les causes de mauvaise remise en réserves (fortes charges en raisin, mauvaise alimentation hydrique…) pourraient quant à elles constituer des facteurs aggravants.

Conseils pratiques

Pour les nouvelles plantations, le recours aux six clones « non sensibles » permet d’avoir l’assurance de s’affranchir de ce problème. Pour les parcelles en place, le remplacement des souches dépérissantes peut se faire par l’intermédiaire de plants greffés-soudés ou par du regreffage en ayant dans tous les cas recours aux clones « non sensibles ».

Dépérissement du 161-49C

Le 161-49C est une variété de porte-greffe assez largement répandue en France, notamment en Bourgogne, Champagne, Charente et en région méridionale. Depuis plusieurs années, des problèmes de dépérissement inexpliqués ont été signalés sur des parcelles établies sur ce porte-greffe. Ces dépérissements débutent par une baisse brutale de la vigueur associée à une diminution de la production souvent à partir de la 4ème feuille.

Description des symptômes

C’est un phénomène plutôt brutal qui apparaît souvent à partir de la 4ème feuille : les souches se développent normalement et brusquement une chute de vigueur apparait puis elle s’accentue jusqu’à la nanification des souches et parfois leur mort. Les symptômes s’accentuent dans la parcelle d’année en année conduisant à des fréquences de mortalité pouvant être parfois élevées (> 20%) rendant des parcelles très jeunes, économiquement non viables. Des symptômes spécifiques peuvent être observés sur le tronc du porte-greffe et les racines qui présentent alors une écorce épaisse et irrégulière (Torregrosa et al, 2014).

Phénologie de l’expression des symptômes
Aucune différence n’a pu être constatée lors du débourrement (stade B) des souches, les premiers signes de dépérissement sont réellement identifiés au moment de l’allongement des rameaux (Stade G) : les souches dépérissantes ont une faible vigueur à partir de la mi-mai. Cette faible vigueur, qui perdure jusqu’en fin de saison, est accompagnée d’une faible fertilité avec de petites grappes non utilisables pour la production car peu ou mal vérées. Les observations montrent également que les grappes, lorsqu’elles sont présentes, sont également concernées par une réduction significative de leur taille.

Évolution des symptômes au cours du temps
Des suivis pluriannuels réalisés dans une parcelle située dans l’Hérault (Cinsault et Grenache) ont montré sur 6 ans une évolution régulière (d’abord lente puis plus rapide) avec l’apparition chaque année de nouveaux ceps symptomatiques. Ces ceps symptomatiques le restent au cours du temps ce qui montre que ce dépérissement n’est pas un phénomène temporaire et réversible, contrairement à la thyllose par exemple.

Dysfonctionnements cellulaires caractéristiques du dépérissement du 161-49C

Des souches dépérissantes et non dépérissantes ont donc été prélevées dans différentes parcelles et une description complète (du greffon aux racines) a pu être réalisée. Quatre critères discriminants ont pu ainsi être identifiés dans le tronc et les racines des souches observées : ils concernent l’amidon, les thylles, la présence de polyphénols et le fonctionnement des assises cambiales (Spilmont et al, 2016). Les symptômes les plus marqués sont observés dans les racines qui, sur les souches dépérissantes sont caractérisées par :

  1. Une très faible quantité d’amidon : zone privilégiée du stockage des réserves carbonées,
  2. Une très forte proportion de thylles,
  3. La présence de polyphénols en grande quantité,
  4. Le dysfonctionnement des assises génératrices et notamment de l’assise subero-phellodermique qui produit une écorce épaisse, irrégulière et non adhésive.

La faible quantité de réserves carbonées dans les racines pourrait expliquer l’affaiblissement et le retard de croissance observé sur les souches dépérissantes au printemps. Les thylles, très présents dans le tronc et les racines du porte-greffe des souches atteintes obturent les vaisseaux du xylème et la circulation de la sève. Le 161-49C est connu pour être particulièrement sensible à la thyllose. Généralement, ce phénomène est consécutif à un déséquilibre entre la demande évaporative du greffon et la capacité de conductance hydraulique du porte-greffe ce qui nous a conduit à travailler sur la piste du déséquilibre hydrique.

Impact potentiel de facteurs environnementaux

Influence de l’alimentation hydrique
Les variations marquées au niveau des précipitations en cours de saison avec l’alternance de périodes d’excès d’eau et de sécheresse pourraient être une des causes du dépérissement en induisant la formation de thylles. Des essais en Ecotron ont été réalisés pour tester cette hypothèse avec des apports contrôlés d’eau reproduisant l’alternance de périodes avec excès d’eau et stress hydrique sans qu’on arrive, pour l’instant, à induire l’expression de symptômes sur les souches de ce dispositif expérimental.

Influence de la nature et/ou de la texture du sol ?
Le recensement des parcelles symptomatiques nous a conduit à émettre l’hypothèse que la nature et/ou la texture du sol pourraient avoir une influence sur l’apparition de ce dépérissement. Pour tester cette hypothèse, des analyses et des profils de sols ont été ainsi réalisés sur 15 parcelles situées dans l’Aude et plantées avec différents cépages greffés sur 161-49C. Les résultats se sont avérés contrastés cependant, quelques tendances ont été observées. Ainsi les parcelles atteintes sont souvent caractérisées par :

  • une réserve utile plutôt faible,
  • des horizons compactés
  • une activité biologique affectée (indicateur C/N élevé, signe d’une minéralisation ralentie)
  • des carences en potasse.

Ces observations laissent penser que dans certains cas, le 161-49C a été utilisé sur des terrains peu adaptés au comportement agronomique de ce porte-greffe ce qui a pu aggraver le phénomène.

L’effet éventuellement curatif d’un apport conséquent en potasse a été testé sur une parcelle dépérissante. Cet essai a été mis en place en 2018 et il est à ce jour trop tôt pour conclure sur les effets réels de ce traitement. Les premières notations indiquent un léger ralentissement dans l’apparition de nouvelles souches dépérissantes mais sans pour autant observer de rétablissement des souches déjà symptomatiques.

Conclusion

La symptomatologie liée au dépérissement sur 161-49C est maintenant bien établie. Cependant, parmi les hypothèses envisagées, il est difficile de conclure quant aux facteurs déclenchant ce phénomène. En attendant d’en savoir plus sur les causes réelles de ce syndrome, la plus grande prudence est recommandée quant au choix de cette variété de porte-greffe pour de nouvelles plantations.

Les partenaires

  • Partenaires techniques : Chambres d’Agriculture (07, 11, 26, 30, 34, 66, 69, 84), SGCDR, SPBPVV, GRAB
  • Partenaires scientifiques : l’INRA (Colmar, Montpellier, Dijon), le CIRAD (plateforme PHIV), CIRAD (plateforme PHIV) Montpellier SupAgro.

Des besoins en identification variétale ou distinction clonale ?

> La vérification de l’identité d’une variété ou d’un porte-greffe peut s’avérer nécessaire notamment dans le cas de ces dépérissements spécifiques.
Cette analyse peut être réalisée sur feuilles, bois ou racines dans le cas des porte-greffes. Pour toute information supplémentaire, cliquez ici

> Pour la Syrah, on peut aussi distinguer des groupes de clones ce qui peut permettre de qu’on est en présence d’un clone sensible ou non-sensible (Voir PDF).
Cette analyse peut être réalisée sur feuilles ou bois. Pour toute information supplémentaire, cliquez ici

Focus

Brochure Dépérissement de la Syrah

Observé depuis les années 1990 dans le sud de la France, (Gard et Hérault), le dépérissement de la Syrah touche actuellement l’ensemble de l’aire d’implantation de ce cépage. Le pourcentage de ceps atteints et la progression du dépérissement varient de façon importante d’une parcelle à l’autre.

Télécharger le bilan issu des travaux de l’IFV en collaboration avec ses partenaires

Vidéo

Visionnez les vidéos issues du colloque sur le Dépérissement de la Syrah.
Colloque organisé par l’IFV en 2011.

Voir les vidéos

Publications

Communications et articles scientifiques

  • SPILMONT AS, SERENO C, EL KHOTI N and TORREGROSA L., 2016. The decline of the young vines grafted onto 161-49C. 2016 Acta Horticulturae, 1136, 251-263
  • SPILMONT A.S., SERENO C., EL KHOTI N. and TORREGROSA L.,2014. The decline of the young vines grafted onto 161-49C. 1st International Symposium on Grapevine roots. 16-18 Oct. Rauscedo, Italy
  • BEUVE M., MOURY B., SPILMONT A.S., SEMPÉ-IGNATOVIC L., HEMMER C. and LEMAIRE O., 2013. Viral sanitary status of declining grapevine Syrah clones and genetic diversity of Grapevine Rupestris stem pitting-associated virus, EJPP, 135: 439-452. (DOI 10.1007/s10658-012-0101-7)
  • MILIEN M., RENAULT-SPILMONT A.S., COOKSON S.J., SARRAZIN A and VERDEIL J.L., 2012- Visualization of the 3D structure of the graft union of grapevine using X-Ray tomography, Scientia Horticulturae, 144, 130-140

Communications et articles techniques

  • BENATEAU S, SERENO C., SPILMONT AS., BLOY P., VIGUIER D. et TORREGROSA L., 2014 – Le dépérissement de la vigne greffée sur le porte-greffe 161-49 C : 1) Etude de la situation au sein du vignoble Français– Progrès Agricole et Viticole, 6, 11-16. [pdf]
  • TORREGROSA L., EL-KHOLTI N., LOPEZ G. et SPILMONT AS., 2014 – Le dépérissement de la vigne greffée sur le porte-greffe 161-49 C : 2) Revue de la symptomatologie associée– Progrès Agricole et Viticole, 6, 17-25 [pdf]
  • CLAVERIE M., GARIN P., GOMA-FORTIN N., MEJEAN I. et WERY J., 2013 – Dépérissement de la Syrah : Compréhension des dysfonctionnements physiologiques amenant le cep crevassé à la mort. (2) Vérification des hypothèses du modèle conceptuel et perspectives – Progrès Agricole et Viticole, 5, 6-20 [pdf]
  • CLAVERIE M., DELMOTTE S. & WERY J.,2011. Dépérissement de la Syrah : compréhension des dysfonctionnements physiologiques amenant le cep crevassé à la mort (1) élaboration d’hypothèses à l’aide d’un modèle conceptuel. Progrès Agricole et Viticole. 5, 88-96. [pdf]
  • RENAULT-SPILMONT A.S., MORENO Y. & AUDEGUIN L.,2010. Dépérissement de la Syrah : des symptômes similaires sur des Franc-de-pied. Progrès Agricole et Viticole. 3, 63-67. [pdf]
  • SPILMONT AS., 2012 – Dépérissement de la Syrah : les dernières avancées. Revue des Œnologues. 145, 44-46
  • SPILMONT AS et BOURSIQUOT J.M., 2012 – Que font-ils ailleurs ? Un regard international sur le dépérissement de la Syrah : les dernières avancées. Revue des Œnologues. 145, 61