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Le curetage est une technique de plus en plus pratiquée pour limiter l’expression des symptômes des maladies du bois. Les essais mis en place en Alsace montrent une efficacité et une rémanence importante de la technique. Les mécanismes impliqués ne sont pourtant pas clairement identifiés ! Le recépage, méthode de lutte connue, est certainement sous-utilisée vu l’efficacité constatée.

Zoom technique curetage

Le curetage consiste à ouvrir le tronc à l’aide d’une petite tronçonneuse (détail sur le matériel de curetage ici), en démarrant le plus généralement au niveau du bois mort ou d’une zone où l’on suspecte la présence d’amadou (ancienne plaie de taille, inversion de flux de sèves etc..). L’amadou ainsi visible doit être retiré, curé, très précautionneusement afin d’en retirer la totalité. Cette étape doit être réalisée sans ronger le bois vivant, et sans perturber les flux de sève. C’est une technique qui demande un apprentissage et une certaine expérience. Il est possible de pratiquer le curetage tout au long de l’année. S’il est réalisé suffisamment tôt en saison (entre juin et fin août), lors de l’apparition des symptômes, le curetage curatif peut permettre de sauver la récolte de l’année en cours. Il peut également être réalisé en hiver, lors du repos végétatif de la vigne, si les ceps malades ont été identifiés. Le curetage préventif, consiste à cureter tous les pieds, même ceux qui n’expriment pas de symptômes de maladie du bois et peut être associé à d’autres techniques de rajeunissement comme le recépage et le regreffage.

Curetage préventif : l’efficacité dure-elle dans le temps ?

Prenons le cas d’une parcelle de Riesling curetée de manière préventive : comparaison entre la modalité cureté (n=192) et la modalité témoin (n=178).

Le graphique 1 présente les résultats exprimés en pourcentage de ceps exprimant des symptômes de MDB (en légende la répartition par type de symptôme) par rapport au total de ceps pouvant exprimer des MDB (soit en retirant du calcul les morts, les absents et les jeunes ceps non productifs). Ce choix de calcul permet de comparer les modalités malgré un taux de complant très élevé.

Le curetage est réalisé une fois en hiver 2015-2016. Dès l’automne 2016, on constate une forte réduction de l’expression foliaire des symptômes des maladies du bois (MDB). C’est en 2020 que l’efficacité du curetage diminue et n’est plus visible. Le taux d’expression des MDB dans la modalité curetée a même tendance à dépasser le témoin. Mais le bénéfice global est tout de même positif, tant sur le nombre total de ceps ayant exprimé des symptômes de MDB durant les 7 années de l’essai, qui sont autant de ceps peu ou pas productifs, qu’au niveau de la mortalité. Si l’on somme le nombre de ceps morts de 2016 à 2022, le total pour la modalité témoin est de 24 ceps (soit 13,5%) contre 11 ceps morts dans la modalité curetée (soit 5,7%).

A quelle période peut-on cureter ?

Prenons le cas d’une parcelle de Gewurztraminer, où 3 modalités de curetage ont été appliquées en 2019 :

  • Une modalité a été curetée en préventif: tous les ceps qui présentent de l’amadou sont curetés, quelle que soit l’expression des symptômes passés. Curetage réalisé en avril 2019, effectif total de la modalité : n=430 emplacements.
  • La modalité curetage curatif d’été a été réalisée dès l’apparition des premiers symptômes sur les ceps concernés (n=430).
  • Pour le curetage curatif d’hiver, les ceps ont été marqués lors de la notation automnale et curetés durant l’hiver 2019 (n=431).
  • Le témoin, (effectif n=431) n’a subi aucun traitement mis à part le suivi des expressions de MDB à l’automne, comme les autres modalités.

Le graphique 2 présente les résultats en pourcentage de ceps exprimant des symptômes de MDB (en légende la répartition par type de symptôme) par rapport au total de ceps pouvant exprimer des MDB. Ce choix permet de comparer les modalités malgré un taux de complant très élevé, tout comme le cas de la parcelle de Riesling, graphique 1.

Dans ce suivi pluriannuel, nous constatons un gradient d’efficacité ; le curetage préventif présente moins de symptômes que le curetage curatif d’été et le curatif d’hiver semble le moins efficace. Le témoin présente des taux d’expression les plus élevés allant de 6 à 9 %.

Au niveau mortalité, nous comptons 6 morts en curetage préventif, 8 ceps pour chaque modalité curative et 19 ceps pour le témoin au total sur les 3 années de suivis.  

Quelle rémanence pour le recépage ?

Le recépage, est une technique connue de lutte contre les maladies du bois. Ci-dessous, le graphique 3 présente l’évolution du taux d’expression des symptômes foliaires sur une parcelle de gewurztraminer, où un recépage préventif a été réalisé sur sa totalité à un âge de 21 ans. Le taux d’expression était à cette période très élevé, dépassant les 30 % de ceps symptomatiques en 2007.

Nous pouvons constater que le recépage est en partie préventif, car une partie des ceps avait déjà été touchée par les maladies du bois, a été très efficace. Il a permis de maintenir le taux d’expression proche des 5% durant une dizaine d’années et de modifier favorablement la dynamique d’expression des symptômes.

Quelle stratégie d’application des méthodes de lutte ? 

Les méthodes de lutte contre les maladies du bois peuvent paraitre coûteuses ou chronophages, mais c’est une idée qui peut être fausse si l’on compare aux coûts et à la perte de production engendrée par la mortalité et la complantation. Et ce, sans compter les conditions climatiques futures qui rendrons probablement la complantation encore plus compliquée.

Une stratégie de roulement à l’échelle de l’exploitation peut s’avérer très avantageuse pour la mise en place du curetage et du recépage si on prend en compte la durabilité de ces pratiques. L’idée est de sélectionner les parcelles en début de pic d’expression, et de réaliser un curetage ou un recépage préventif. Les parcelles de gewurztraminer peuvent être priorisées, de par leur sensibilité aux maladies du bois et à leur aptitude au recépage. La valeur ajoutée, l’âge, le secteur peuvent également vous aider à sélectionner les parcelles. Un roulement d’une ou quelques parcelles par an permet de réaliser de manière suivie le recépage, augmentant largement la réussite de l’opération. Et également de faire « petit à petit » le curetage qui a une pénibilité de travail qu’il faut considérer à sa juste valeur.

A l’échelle d’une exploitation, pour lutter contre les maladies du bois, il est possible d’actionner différents leviers (recépage, regreffage, complantation, replantation, curetage) dans des approches préventives ou curatives. Les résultats des suivis pluriannuels sont encourageants et démontrent qu’il est possible d’agir pour limiter les dégâts liés aux maladies du bois.

Remerciements et partenaires : la parcelle de riesling a été cureté par François Dal de la SICAVAC, et mise à disposition par le vigneron Vincent Fleith. La parcelle de gewurztraminer a été curetée par Guillaume Arnold de SVT et mise à disposition par le Domaine de l’Ecole de Rouffach dans le cadre d’un projet PNDV Euréka. Les notations et l’analyse des données sont réalisées par l’IFV pôle Alsace.

Céline ABIDON, Ingénieure viticole – IFV pôle Alsace

Contact : Céline Abidon