L’automatisation en viticulture est une solution pour répondre aux défis actuels de productivité et de précision. La réduction des intrants herbicides est un enjeu important auquel sont confrontés les viticulteurs. Dans ce contexte, les techniques alternatives aux herbicides, qui comme le désherbage mécanique sont plus chronophages et demandent de la précision, peuvent être facilitées par les avancées en robotique et en autoguidage. Dans cet article nous allons aborder deux solutions qui répondent aux enjeux précités, avec des degrés d’autonomie et de prix différents. D’un côté l’autoguidage des tracteurs vignerons, qui se développe avec comme base les solutions éprouvées en grandes cultures, de l’autre les robots viticoles, avec leurs différents formats et différentes fonctions. Le point commun est l’automatisation de la conduite, avec un impératif de précision et de sécurité.
L’autoguidage des tracteurs vignerons
La viticulture fait face à une pénurie de chauffeurs expérimentés et qualifiés capables de réaliser des opérations précises telles que le désherbage mécanique interceps, qui demande en outre de la régularité pour éviter d’endommager les plants, tout en assurant un désherbage efficace. L’autoguidage des tracteurs vignerons est une voie pour pallier cette pénurie en facilitant la conduite grâce à l’auto-alignement du tracteur. En effet, maintenir la concentration nécessaire sur de longues périodes peut être fatigant et même les meilleurs tractoristes peuvent être distraits par un appel téléphonique et faire un écart de conduite. L’autoguidage permet de réduire la tension musculaire liée à la concentration tout en assurant une régularité dans le travail effectué. Il permet de se concentrer davantage sur le travail des outils plutôt que sur l’alignement du tracteur. Certains utilisateurs témoignent d’un bénéfice pour limiter les problèmes de posture et les douleurs associées, améliorant le confort.
Trois types de technologies peuvent être utilisées pour l’autoguidage : le positionnement GNSS RTK, le Lidar, et la vision 3D. En voici les principaux avantages et inconvénients.
Le GNSS RTK (Real-Time Kinematic) offre une précision centimétrique, indispensable pour le désherbage mécanique interceps. Il permet également, grâce à la position du tracteur et au paramétrage des outils utilisés, d’enregistrer les pratiques culturales et d’assurer une traçabilité des interventions. En revanche, l’utilisation du guidage RTK nécessite que les vignes soient plantées avec une précision compatible avec cette technologie, sinon de nombreuses corrections manuelles peuvent être nécessaires pour des écarts entre rangs de quelques centimètres seulement. En vigne, l’utilisation de lignes de type A-B, préalablement enregistrées, avec un cap précis, est préférable à l’utilisation de lignes enregistrées en cours de travail, qui reproduisent les imperfections de conduite et qui donnent une moins bonne répétabilité et précision du guidage (résultats du projet CASDAR GUIDAVIGNE, 2022-2025). Les systèmes RTK sont dépendants de la bonne réception des corrections par le réseau cellulaire, ce qui peut être affecté par la topographie du vignoble. De plus, un abonnement est requis pour la réception de celles-ci, sauf si l’on utilise le réseau Centipède, qui peut offrir une alternative sans coût supplémentaire.
Le Lidar (Light Detection and Ranging) fonctionne sans arpentage préalable des rangs, ce qui le rend adaptable à des configurations de parcelles variées, avec des rangs plus ou moins droits. Il est utile pour les exploitations où les rangs ne sont pas parfaitement alignés. Bien que le Lidar soit flexible, il ne permet pas de traçabilité des opérations en lien avec la position GPS. De plus, sa précision peut être inférieure à celle du RTK lorsque les conditions de détection des pieds de vigne de chaque côté sont dégradées : beaucoup d’herbes, de pampres, ou port retombant des rameaux).
La vision 3D utilise des caméras et des algorithmes de traitement d’image pour suivre les rangs de vigne en temps réel. Cette technologie ne dépend pas du signal de correction RTK, et n’est pas affectée par la quantité d’herbe sur le rang. En revanche, la vision 3D implique un traitement d’image complexe et nécessite une cohérence entre la position du pied de vigne et la haie foliaire détectée. Les conditions d’éclairage et les variations de la végétation peuvent affecter sa performance.
Bien que le coût des systèmes d’autoguidage ait baissé ces dernières années, l’investissement initial dans ces technologies reste important, surtout si l’on équipe un tracteur existant en seconde monte. Ce coût n’est en général pas compensé par une augmentation du débit de chantier, ce qui peut affecter le retour sur investissement. Les bénéfices induits en termes de confort, limitation des dégâts sur les pieds de vigne et amélioration de la posture des opérateurs sont difficilement chiffrables bien que réels. Le coût peut être réduit en construisant soi-même son dispositif d’autoguidage. Il existe une communauté d’utilisateurs autour du logiciel AgOpenGPS, pour trouver aide et conseils dans cette démarche qui est à réserver aux bricoleurs les plus avertis.
La robotique viticole
La robotique viticole est un niveau supérieur d’automatisation des tâches, qui ne supprime toutefois pas le rôle du chef de culture pour sa mise en œuvre et sa supervision. Les robots se concentrent principalement sur les applications de gestion du sol, en réponse à l’augmentation du temps de travail due aux méthodes alternatives aux herbicides. D’autres tâches sont en cours de développement pour améliorer la rentabilité de l’investissement : tonte, épamprage, rognage, pulvérisation. Les robots viticoles permettent de réduire la pénibilité des tâches répétitives et lentes, tout en augmentant la précision des interventions. Cela est particulièrement important pour les opérations de gestion du sol, où la précision et la régularité sont essentielles pour éviter d’endommager les plants.
Il existe différents formats de robots : interlignes, enjambeurs, à roues, à chenilles, et des choix très tranchés sont faits par les constructeurs en matière de motorisation et d’énergie :
Vitirover : le seul dans sa catégorie, c’est un petit robot électrique léger conçu pour une seule tâche : tondre. Sa taille compacte lui permet de circuler entre et sous les rangs de vigne. Il vient s’appuyer contre les ceps pour tondre au plus près. Il peut fonctionner en essaim pour finir la tâche plus rapidement sur une parcelle donnée, mais il ne désherbe pas. Son panneau solaire lui apporte un petit plus en termes de recharge autonome.
Robots interlignes à chenilles : Dans cette catégorie on trouve le Pellenc RX20, le Romaxviti, le Slopehelper de Pek Automotive ou le Jo de Naïo Technologies. Ces robots sont conçus pour la gestion de l’inter-rang, avec une traction importante grâce aux chenilles. Ils sont bien adaptés aux tâches comme le travail du sol et le broyage des couverts mais ils peuvent aussi réaliser le désherbage mécanique interceps. Leur format compact est un atout pour le déplacement entre parcelles.
Enjambeurs : cette catégorie de robots permet de positionner les outils interceps de manière optimale sous le rang, dans le gabarit du robot, ce qui est un plus pour la sécurité et pour l’efficacité. Plus encombrants, plus grands, ces robots sont un peu plus coûteux en raison des contraintes mécaniques qu’ils subissent par conception. Le transport demande en général de faire appel à une remorque. On trouve dans cette catégorie le Bakus de Vitibot, le Ted de Naïo technologies ou encore le TRAXX de Exxact robotics. Leur structure, qui enjambe le rang de vigne, permet de positionner des outils de travaux en vert, comme les rogneuses, à l’intérieur du gabarit du robot pour en assurer la sécurité.
En matière d’énergie, tous les choix sont possibles, avec des robots 100 % électriques, comme chez Vitibot ou Naïo Technologies, hybrides comme chez Sitia ou Pellenc (la traction est électrique mais l’énergie est fournie par un moteur thermique), ou thermiques comme Yanmar ou Exxact robotics. Voici un tour d’horizon des atouts et limites des solutions :
- Électrique : Les robots électriques embarquent des batteries de capacité importante, permettant de travailler toute une journée ou plus, suivant l’intensité du travail demandé. Le prix des batteries joue sur le prix de la machine. Sur une machine électrique, la connexion avec l’animation des outils embarqués doit être repensée car il n’y a pas de distributeur hydraulique. S’il n’y pas de difficulté technique majeure, les outils adaptables sur les robots sont nécessairement issus d’une gamme spécifique électrifiée. L’avantage est de pouvoir bénéficier de fonctions supplémentaires : par exemple l’interceps électrique Vitibot développé pour Bakus permet de remonter des informations sur l’alignement des plants pour améliorer la précision de travail.
- Hybride : Les robots hybrides combinent un moteur thermique et une chaîne de traction électrique, avec une génératrice. Cela permet de conserver l’animation de pompes hydrauliques et donc de bénéficier d’une compatibilité sur le robot avec la plupart des outils existants. Avec cette solution, il n’y a pas de problème d’autonomie et de recharge de batterie puisqu’il suffit de refaire le plein.
- Thermique : Les robots thermiques offrent une grande autonomie et sont adaptés pour des tâches intensives. Le principal avantage pour les utilisateurs est la conservation des repères techniques.
Technologies utilisées pour le guidage et le fonctionnement autonome.
- Géolocalisation RTK : L’utilisation quasi généralisée de la géolocalisation RTK (Real-Time Kinematic) dans les robots viticoles permet une précision centimétrique essentielle pour les opérations de gestion du sol. Cette technologie nécessite une cartographie intégrale et précise des vignobles concernés.
- Technologies de sécurité :
- Bumpers pour le contact : Les robots sont équipés de bumpers qui détectent les contacts physiques avec des obstacles, et déclenchent l’arrêt. En raison de l’inertie, la vitesse maximum est limitée.
- Caméras avec IA pour la détection d’humains ou d’obstacles : Les caméras équipées d’algorithmes d’IA permettent de détecter les humains ou les obstacles en amont du contact, de ralentir, offrant donc une couche supplémentaire de sécurité.
- Portes de sécurité : Certaines conceptions de robots incluent des portes de sécurité qui stoppent le robot en cas de détection d’une ouverture trop importante, assurant ainsi la sécurité des opérateurs et des équipements.
Avantages
Les robots viticoles cochent beaucoup de cases dans le contexte de transition agroécologique de la filière : ils permettent le déploiement des alternatives aux herbicides tout en réorganisant le travail sur l’exploitation : les personnes affectées à la supervision du robot peuvent effectuer d’autres tâches en parallèle, telles que le relevage ou l’épamprage. Cela optimise l’utilisation de la main-d’œuvre disponible limite la pénibilité liée à la répétition des interventions. Ils présentent une consommation énergétique plus faible que les tracteurs en matière de désherbage mécanique : là où un tracteur réclame 5 à 7 L de GNR (densité énergétique du GNR à 20°C : 9,8 Kwh/L) par hectare pour une intervention de binage, un robot électrique peut ne consommer que 5 KWh.
Inconvénients
Le prix initial élevé des robots viticoles représente un défi majeur pour les exploitations. A près de 200 000 € avec ses outils, un robot est long à amortir, sauf dans le cas où il est capable de couvrir des surfaces importantes. Cependant, des solutions existent pour améliorer la compétitivité, dont les aides à l’investissement, le regroupement d’utilisateurs en CUMA, l’extension des surfaces travaillées ou le développement de la polyvalence sur des opérations qui n’entrent pas en compétition afin de maximiser la durée d’exploitation sur l’année.
Le transport des robots entre les parcelles, notamment lorsqu’il faut emprunter ou traverser des chemins ou des routes, pose un défi logistique. Cela nécessite une évaluation de l’exploitation par rapport à la dispersion du parcellaire. Les robots doivent être conçus pour être facilement transportables, et les exploitations doivent planifier les déplacements pour minimiser les temps d’inactivité.
Conclusion
Nous avons affaire à deux niveaux d’automatisation différents avec l’autoguidage des tracteurs et la robotique viticole. La robotique ne permet pas encore de faire tout ce que l’on peut faire avec un tracteur, pour des questions de puissance ou de sécurité. L’intérêt pour l’une ou l’autre des technologies doit s’évaluer au regard d’une analyse critique de l’exploitation et des pratiques culturales qui peuvent être optimisées grâce à elles. Ces technologies s’adressent en priorité aux grandes exploitations, avec un parcellaire regroupé pour les robots, car c’est là que l’amortissement est le plus important ou qu’il y a le plus à gagner en confort, ou en réduction de la pénibilité. Le positionnement GNSS RTK est un plus pour tracer avec précision les opérations réalisées et disposer d’un outil cartographique de gestion de l’exploitation.
Article paru dans les Vignerons des Côtes du Rhône, mai 2025.

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