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La pulvérisation confinée constitue une opportunité pour les viticulteurs car elle allie efficacité et respect de l’environnement. On estime à environ 40% le taux de récupération de produits obtenu en moyenne sur toute la saison. Explication.

Introduction
Les techniques de pulvérisation viticoles mettant en œuvre des panneaux récupérateurs existent depuis longtemps. Elles étaient notamment fréquemment utilisées pour réaliser les traitements d’hiver contre les maladies du bois. Depuis plusieurs années, de nombreux constructeurs proposent sur le marché des pulvérisateurs de ce type pour la réalisation des traitements de couverture, mais à ce jour, l’utilisation de ces machines demeure très peu répandue. En effet, le parc de pulvérisateurs en service dans le vignoble large (inter-rang supérieur à 1,5m) est largement dominé par les voûtes pneumatiques et les aéroconvecteurs. Le prix d’achat plus élevé des pulvérisateurs à panneaux récupérateurs ainsi que leur réputation de machine complexe à utiliser sont sans doute les deux principales raisons qui expliquent qu’ils soient si peu souvent choisis. Pour autant, dans le contexte actuel où des efforts en termes de limitation de l’utilisation des intrants phytosanitaires sont demandés au monde agricole (plan EcoPhyto II), les techniques de pulvérisation confinées ont de nombreux atouts à faire valoir notamment en suivant quelques pistes qui permettent d’optimiser leur mise en oeuvre.

La pulvérisation confinée : l’une des meilleures qualités de pulvérisation.
Les mesures réalisées par les équipes de l’IFV et INRAE sur la vigne artificielle EvaSprayViti montrent que par rapport aux techniques de pulvérisation les plus courantes, les pulvérisateurs à panneaux récupérateurs comme tous les autres pulvérisateurs « face par face » permettent de progresser à la fois en termes de quantité de produit déposée sur les feuilles et en termes d’homogénéité de répartition de ces dépôts de produit. La protection sanitaire de la vigne est donc plus fiable lorsqu’elle est réalisée avec ce type de machines qui cible directement et de manière régulière les deux faces des rangs de vigne. De ce fait, en utilisant ces techniques de pulvérisation et avec l’appui d’un conseiller, des réductions de dose sont permises tout au long de la campagne de traitements (suivre la méthode OptiDose® par exemple).

La pulvérisation confinée réduit les pertes de produit pulvérisé vers des zones non cibles.
Les pulvérisateurs à panneaux récupérateurs permettent de réaliser non seulement une bonne qualité de pulvérisation mais aussi une réduction importante des pertes de produit pulvérisé vers des compartiments environnementaux non cibles (le sol et l’air). En effet, une part importante des embruns pulvérisés qui traversent le rang de vigne (du fait d’une zone de moindre vigueur, d’un manquant, etc…) au lieu d’être « perdus », heurtent le panneau de récupération qui leur fait face et sont ainsi récupérés. La bouillie qui ruisselle au fond des panneaux est ensuite réintroduite dans la cuve principale de l’appareil via une pompe de reprise et un système de filtration.
Le taux de récupération de bouillie varie au cours de la saison : il est fort lors des premiers traitements (environ 70%) du fait de l’importante porosité de la végétation et diminue avec la croissance du végétal. On peut estimer à environ 40% le taux de récupération obtenu en moyenne sur toute la saison. Grace à la récupération de bouillie, l’utilisation d’une technique de pulvérisation confinée permet donc de réduire d’environ 40% les quantités de produits phytosanitaires employées ce qui représente un bénéfice du point de vue de la protection de l’environnement et permet de réduire de manière importante les charges de l’exploitation sur ce poste de dépense en intrants.
Lorsqu’ils sont équipés de buses à injection d’air (dites antidérive), les pulvérisateurs à panneaux récupérateurs permettent de réduire de manière très significative le risque de dérive de pulvérisation. Rappelons que la dérive est la quantité d’embruns qui dépasse les limites de la parcelle sous l’effet des courants d’air naturels qui règnent au moment du traitement. Des mesures préliminaires montrent que les panneaux récupérateurs permettent de réduire de 15 à 30 fois la quantité de dérive émise par rapport aux techniques de pulvérisation classiques. De ce fait, plusieurs matériels de ce type ont été officiellement reconnus par le ministère de l’agriculture comme « moyens réducteurs de dérive » à mettre en oeuvre pour avoir le droit de réduire la largeur des zones non traitées aux abords des points d’eau.

Entre économie de produit phytosanitaire et surcoût à l’achat et en temps de chantier, quel est le bilan financier de l’utilisation des panneaux récupérateurs ?
Le bilan économique de l’utilisation des panneaux récupérateurs n’est pas facile à dresser tant il dépend des caractéristiques de chaque exploitation. Dans certaines situations, si la machine est utilisée sur des surfaces importantes et si la pression de maladie impose d’assez nombreux traitements, l’économie de 40% de produits phytosanitaires engendrée par la récupération de bouillie compensera à elle seule le surcout lié à l’achat du matériel et à l’augmentation du temps de chantier. Dans d’autres cas le surcout lié à l’utilisation de cette technique ne sera pas compensé par l’économie de produits mais le bénéfice en matière de protection de l’environnent restera. Des précises évaluations des temps de travaux seront effectuées au cours de la prochaine campagne viticole afin d’affiner ce bilan.

Une possible compensation de la perte en temps de chantier par une augmentation de la vitesse d’avancement.
Les pulvérisateurs à panneaux récupérateurs utilisés en vigne large (matériel interligne) traitent au maximum deux rangs de vigne par passage contrairement à d’autres techniques de pulvérisation qui permettent un débit de chantier plus élevé du fait du traitement de quatre rangs par passage (au prix cependant d’une moindre qualité de la protection). Mais plusieurs résultats d’essais montrent que sur des terrains non accidentés, les pulvérisateurs à panneaux récupérateurs traînés offrent une bonne qualité de pulvérisation même à des vitesses d’avancement très élevées (jusqu’à 9 km/h). Une partie de l’augmentation du temps de chantier liée à ces techniques peut ainsi être compensée du fait de cette augmentation de vitesse.

Conclusion
Dans le contexte du plan EcoPhyto II qui vise à limiter les quantités d’intrants phytosanitaires utilisées ainsi que leurs impacts, l’utilisation des pulvérisateurs à panneaux récupérateurs en viticulture apparaît pertinente pour parvenir de manière pragmatique et dès le court terme à répondre aux enjeux fixés. Leur utilisation s’accompagne néanmoins d’inconvénients de taille tels que le surcoût et l’augmentation du temps de chantier qui peuvent être partiellement ou totalement compensés par l’économie en produits phytosanitaires et une augmentation de la vitesse d’avancement.
Lors de la prochaine campagne viticole, des essais seront menés en vue de préciser les voies d’optimisation de l’utilisation de ces machines. Des itinéraires de réduction de dose (en plus de la récupération) seront testés, les temps de chantier précisément mesurés et comparés à ceux inhérents aux techniques de pulvérisation les plus courantes en vue de dresser un bilan précis des conséquences de l’utilisation de ces machines.
Pour la première fois, des démonstrations regroupant 10 constructeurs de pulvérisateurs à panneaux récupérateurs sont organisées par les Chambres d’agriculture, IRSTEA, l’IFV et les CUMA dans les départements du Gard, de l’Hérault, de l’Aude et des Pyrénées Orientales respectivement les 4, 5, 6 et 7 octobre 2016. Les matériels seront présentés en dynamique dans les vignes et vous pourrez y recueillir de nombreuses informations.

Article rédigé par Adrien Vergès, du Pôle Rhône-Méditerranée de l’IFV pour le groupe machinisme Languedoc-Roussillon (CA 30, 34, 11, 66, FD CUMA, INRAEet IFV). Mise à jour mai 2020.