Depuis quelques années, les professionnels s’interrogent sur la vague des produits totalement et partiellement désalcoolisés à base de vin qui a déferlé en France, fortement relayée par les réseaux et les médias sur l’opportunité que pourrait représenter ces nouvelles catégories auprès des (nouveaux) consommateurs. Face à ce marché émergeant en croissance continue, une initiative a été entreprise conjointement avec la DGCCRF en 2024 pour faire un état des lieux des produits déjà commercialisés et vendus en France, étiquetés comme « vin » ou « boisson ». L’objectif était de caractériser l’offre actuelle proposée aux consommateurs en termes de diversité, en fonction de la teneur en alcool, de l’étiquetage et du positionnement produit dans les points de vente.
Faire un état des lieux des « No-Low* » issus du vin et vendus en France
Au printemps 2024, 124 échantillons vendus dans les magasins et en ligne ont été caractérisés dans le but d’apporter des éclairages sur l’offre actuellement accessible par les consommateurs français. Cette initiative avait ainsi pour ambition de souligner les difficultés que peuvent rencontrer les consommateurs lors de la découverte, du choix, de la recherche ou de l’achat de ces produits, mais aussi de pouvoir recommander des pratiques aux professionnels et metteurs en marché.
Eviter les confusions : la nécessité de différencier les boissons à base de vins désalcoolisés des vins totalement ou partiellement désalcoolisés
En catégorisant les échantillons suivant leurs dénominations de vente, 54% de boissons (dont 37% d’effervescents et 63% de tranquilles) et 46% de vins (dont 26% d’effervescents et 74% de tranquilles) ont été ainsi collectés. Dans chaque catégorie, boissons ou vins, l’échantillonnage comportait majoritairement des produits indiquant 0% ou 0,5% vol, avec une surreprésentation des blancs, que ce soit pour les produits effervescents ou tranquilles. L’identification des dénominations de vente a également montré qu’il existait une grande diversité (65 observées) s’expliquant notamment par l’existence de dénominations simples comme « vin désalcoolisé » ou « boisson à base de vin désalcoolisé » et plus informatives avec un ou deux descripteurs supplémentaires comme « vin rouge désalcoolisé de France » ou « boisson à base de vin désalcoolisé blanc ». Cette hétérogénéité est davantage marquée pour les boissons que pour les vins où « vin désalcoolisé » reste la dénomination la plus utilisée (93% de l’échantillonnage pour la catégorie vin) alors que les dénominations telles que « boissons sans alcool » (32%), « boisson à base de vin désalcoolisé » (27%), « boisson à base de raisins » (27%), et « boisson aromatisée » (9%) sont les plus retrouvées côté boissons.
En raison d’un packaging similaire pour ces deux catégories reprenant les codes visuels propres au vin, cette grande variété de dénominations de vente rend la compréhension de ces nouveaux produits difficile pour les consommateurs, qui pourraient ne pas parvenir à distinguer clairement la frontière entre « boisson » et « vin ». Il est nécessaire aujourd’hui d’afficher une meilleure discrimination, étant donné que ces produits ne sont pas soumis aux mêmes règles de production. Les listes d’ingrédients affichées sur l’étiquetage apportent des informations supplémentaires aux consommateurs, avec une liste plus courte en moyenne pour les vins que pour les boissons et une plus grande diversité d’ingrédients pour les boissons. Même si la dématérialisation reste peu pratiquée, il n’est pas certain que les consommateurs consultent ces informations lors de l’achat de ces produits. Il est donc essentiel de clarifier la présentation et la communication des informations afin de dissocier plutôt que de superposer ces deux types de produits élaborés selon des pratiques et des objectifs différents.
Les catégories différenciant actuellement les produits partiellement et totalement désalcoolisés issus du vin d’un point de vue réglementaire.

Des interrogations autour de l’argument « santé » prôné par ces produits
Le relevé de la liste des ingrédients pour chaque produit de l’échantillonnage a montré l’utilisation de 35 ingrédients différents, avec seulement 12 ingrédients communs aux boissons et aux vins. Les ingrédients exclusivement utilisés dans la production des boissons sont principalement l’eau, le jus de raisin, l’acide citrique, la gomme cellulosique et l’infusion de levures. D’autres ingrédients sont également retrouvés majoritairement tels que les arômes naturels, la gomme arabique et l’acide ascorbique. Côté vins, la liste principale est plus réduite contenant principalement du vin désalcoolisé, du moût de raisin concentré rectifié, du dioxyde de carbone, du dioxyde de soufre ainsi que du sorbate de potassium.
Face à la présence de nombreux additifs pouvant être retrouvés dans ces produits pour compenser la perte d’alcool, l’argument « santé » semble paradoxal. Malgré la promesse d’une réduction du nombre de calories vis-à-vis des vins comportant de l’alcool (en moyenne 79 kcal pour 100 mL pour un vin tranquille sec entre 12 et 15% vol. contre 18 kcal pour un vin totalement désalcoolisé), la teneur en sucres est en moyenne multipliée que ce soit pour les produits effervescents ou tranquilles (estimée inférieure à 0,4g pour 100 mL dans le cas d’un vin tranquille sec entre 12 et 15% vol. selon la DGCCRF en 2024). Il convient alors de s’interroger sur la cohérence de l’argument santé, mais aussi sur l’empreinte environnementale liée à la consommation d’eau, au conditionnement en bouteille, ainsi qu’aux émissions de carbone engendrées par les flux de marchandises entre les différents prestataires intervenant dans l’élaboration de ces produits. Ces réponses semblent indispensables pour faire émerger une proposition de produits plus cohérente face aux enjeux environnementaux et aux demandes sociétales.
Un marché de niche essentiellement porté par les produits totalement désalcoolisés
Seuls 3 produits de l’échantillonnage sont partiellement désalcoolisés : une boisson à 5,5% vol. et deux vins à 6% vol. montrant que le marché actuel en France est surtout porté par les produits totalement désalcoolisés. Ces derniers valorisent principalement le cépage sur l’étiquette (66%), ce qui suggère que les vins partiellement désalcoolisés pourraient aussi présenter un potentiel intéressant pour exprimer les caractéristiques sensorielles propres à chaque cépage et offrir aux consommateurs une nouvelle expérience de consommation avec moins d’alcool. C’est dans cet esprit que le projet VDLow piloté par l’IFV et cofinancé par InterLoire vise à investiguer cette question dans le but de construire prochainement avec les professionnels de premiers prototypes sur différents secteurs de la région Val de Loire à présenter aux consommateurs français.
*alternatives sans-moins alcool en français
Accéder à l’article associé à la présentation OIV 2024 dans IVES en Open Acess
Contact
Carole Honoré-Chedozeau
IFV Pôle Bourgogne Beaujolais Jura Savoie

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