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Le point sur la séquestration du carbone dans les sols viticoles

La viticulture peut contribuer positivement à l’atténuation du changement climatique à travers la séquestration de carbone dans les sols. Ceux-ci ont en effet un potentiel de séquestration par unité important et différents leviers agronomiques permettent d’améliorer ce potentiel. Il s’agit surtout d’agir positivement sur leur taux de matière organique. Par ailleurs, désormais, il est possible de simuler le stock de carbone à travers ces leviers, grâce au modèle AMG, développé par l’INRAE, que l’IFV vient récemment d’adapter à la vigne, en collaboration avec Agro-Transfert RT.

Qu’est-ce que la séquestration de carbone dans le sol ?
Une des solutions complémentaires à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine humaine pour lutter contre le changement climatique est la séquestration du carbone dans les sols. Cette séquestration consiste à stocker du carbone sur le long terme (plus de 100 ans) par le biais de la photosynthèse, processus utilisé par les plantes, qui capte du gaz carbonique de l’air et sert ensuite de ressources carbonées à la plante.

Le carbone est présent principalement sous forme de matière organique (MO) dans les sols (carbone organique). Il existe une relation directe entre la teneur en carbone organique et la teneur en MO d’un sol puisque c’est la teneur en carbone organique qui est analysée par les laboratoires d’analyses, la MO étant calculée à partir de cette dernière en appliquant un coefficient (généralement 1,72).

Un calcul réalisé au niveau mondial estime qu’une augmentation de 4 pour 1000 par an de la teneur en carbone des sols permettrait de compenser les émissions anthropiques de gaz à effet de serre. Ce calcul a abouti à l’initiative 4 pour mille et à l’intérêt de la séquestration du carbone dans les sols, même si cette augmentation au niveau mondial reste utopique.

Et pour le cas des sols viticoles ?
Les sols viticoles sont souvent peu pourvus en matière organique, en raison de la faible restitution de la vigne, de la prédominance des sols pauvres en viticulture et d’un manque chronique d’entretien du taux de MO en viticulture. Ainsi, même si les surfaces concernées par la vigne sur le plan national restent faibles, le potentiel de séquestration du carbone par unité de surface est important. En effet, la marge d’augmentation du taux de MO d’un sol est d’autant plus grande que son niveau initial en MO est faible.

De plus, la MO améliore la qualité du sol en jouant sur ses propriétés : structure, stabilité structurale, porosité, biologie, biodiversité, fourniture en éléments minéraux…. Ces propriétés impactent directement la résistance des sols aux différentes menaces auxquelles il est confronté (érosion, tassement, pollution…), et permettent d’améliorer la qualité agronomique du sol (stockage d’éléments, alimentation en éléments minéraux, développement racinaire…). L’objectif environnemental de la séquestration du carbone rejoint donc l’objectif agronomique de tout viticulteur.

Quels sont les principaux leviers pour améliorer le stockage du carbone dans les sols viticoles ?
Les principaux leviers permettant d’augmenter la séquestration du carbone en viticulture sont issus de plantes mortes ou de parties de plantes (feuilles, résidus de culture…). Ces parties de la plante ou la plante entière lors de sa destruction vont fournir du carbone au sol. Ces molécules carbonées sont ensuite transformées en matière organique stable à la suite de nombreuses réactions et de l’intervention des organismes du sol. Tout le carbone issu des plantes restituées au sol ne donnera pas de la MO stable : une partie va être oxydée et transformée en gaz carbonique (CO2) par les organismes du sol.

Ces leviers sont :

  • la restitution des bois de taille au sol : 2 tonnes de bois de taille par hectare permettent d’apporter 340 kg de MO stable au sol.
  • les couverts végétaux : l’apport de carbone au sol est corrélé positivement à la biomasse produite. 2 tonnes de biomasse permettent d’apporter en moyenne 110 kg de MO stable au sol. Cette quantité varie en fonction des espèces présentes dans le couvert et de l’époque de destruction.
  • les apports d’amendements organiques : la dose d’apport et l’indice de stabilité de la MO (ISMO – https://www.vignevin.com/publications/fiches-pratiques/la-matiere-organique/) du produit vont impacter la quantité de MO stable apportée par le produit.

D’autres pratiques, plus confidentielles à l’heure actuelle car manquant encore de références, peuvent être citées : vitiforesterie, apport de biochar.

L’effet de ces pratiques peut être simulé par le modèle AMG, qui permet d’évaluer l’évolution du stock de carbone du sol d’une parcelle sur le long terme. Ce modèle a été paramétré pour la vigne récemment.

Attention, pour réellement évaluer la pratique de séquestration du carbone sur le plan atténuation du changement climatique, il faut également prendre en compte les émissions de GES liées à la pratique (fabrication du produit organique, opérations de semis et de destruction pour un couvert, etc.) et donc réaliser un bilan carbone de la pratique.

Une petite vidéo résumant tous ces aspects est disponible ci-dessous