Eric Chantelot, directeur du pôle Rhône-Méditerranée et expert Ecophyto, réagit à la situation historique de pression du mildiou et présente les pistes de solutions envisagées par l’IFV.
Avez-vous déjà observé une telle pression de mildiou ?
La pression de mildiou est effectivement exceptionnelle cette année. Le constat porte sur la très grande précocité de la vigne et des premières contaminations. C’est la première fois que l’on constate des contaminations sur des évènements pluvieux intervenus fin mars.
Suite à cette précocité, la plupart des régions viticoles ont connu un mois d’avril et mai pluvieux qui a maintenu la pression et demandé beaucoup de vigilance.
On peut constater la plupart des dégâts dans des situations où la cadence de traitement n’a pas pu être respectée (principalement en raison d’une impossibilité de rentrer dans les parcelles).
Aujourd’hui, à part certains bassins de production, la tendance serait à une météo plus clémente qui devrait aider le vigneron à maitriser l’expansion de la maladie.
Peut-on espérer de nouvelles solutions adaptées à de telles pressions qui garantissent la durabilité des exploitations ?
Sur le plan des solutions conventionnelles, on ne peut que regretter qu’aucune solution nouvelle ne soit prévue. Au contraire, on est dans une perspective de nouveaux retraits de molécules et cela est plutôt inquiétant.
Ce constat, qu’on le veuille ou non, nous conduit à développer des approches différentes. L’intégration, déjà engagée des solutions de biocontrôles, devrait s’intensifier mais ne pourra à elle seule sécuriser la récolte. Il faudra donc penser le modèle différemment et des récents travaux sur le système assurantiel pour partager la prise de risque sont des pistes intéressantes.
Ce qui est certain, c’est qu’à court terme, le maintien de l’usage du cuivre en vigne est indispensable. Il convient néanmoins d’adapter son utilisation lors d’applications plus fréquentes. Son efficacité n’est toutefois pas remise en cause.
Quels sont les sujets sur lesquels s’orientent les recherches actuelles sur le mildiou ?
Au-delà de la poursuite de l’accompagnement du déploiement des variétés résistantes qui sont un premier levier d’action, les travaux s’orientent vers une approche nouvelle et inédite. Nous souhaitons revoir notre approche actuellement centrée sur le contrôle de la maladie durant la phase végétative pour nous tourner vers la phase hivernale. Réduire l’inoculum stockée dans le sol, détruire l’inoculum dans le sol sont des pistes à coupler avec une meilleure connaissance de la sporée aérienne. Cette approche pourrait à court terme modifier nos stratégies et limiter la présence de spores au début du cycle végétatif. C’est un axe prioritaire de notre programme d’action dans le Plan PARSADA porté par le Ministère de l’Agriculture.
La parole à Jean-Daniel Hering, président du pôle Alsace de l’IFV
« Il est impératif de continuer d’investir massivement dans la recherche contre le mildiou. »
« En 2024, les viticulteurs français sont confrontés à une crise de mildiou sans précédent. Tous les bassins viticoles, sans exception, subissent ses ravages, que ce soit en bio ou en conventionnel. Cette menace croissante, exacerbée par des conditions climatiques de plus en plus propices à la prolifération du mildiou, impacte lourdement les récoltes et engendre des pertes économiques considérables pour les domaines viticoles.
Il n’existe pas de solution miracle. La protection des vignobles est essentielle, mais les conditions trop humides rendent souvent impossible sa réalisation, intensifiant encore la pression de la maladie par endroit.
Face à cette urgence, des alternatives efficaces doivent être trouvées. L’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) mise sur les variétés résistantes, réduisant ainsi le besoin de traitements, contrôlant les doses de cuivre et minimisant les problèmes de ré-entrée dans les parcelles. Une autre voie prometteuse est celle des alternatives au cuivre. L’IFV teste de nombreuses solutions de biocontrôle pour réduire les doses nécessaires.
Cependant, ces efforts ne suffisent pas. Il est crucial de poursuivre et d’amplifier les investissements dans la recherche et l’humain. Une compréhension approfondie du cycle hivernal du mildiou, permettant de réduire la pression au printemps, constitue une piste de recherche prometteuse qui doit être pleinement explorée. Seule une mobilisation massive et continue pourra permettre de surmonter cette crise et de préserver l’avenir de la viticulture française. »
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