Le désherbage mécanique du cavaillon n’est pas une simple substitution de technique. Il s’agit de se projeter dans l’élaboration d’une stratégie de gestion de la flore adventice, de réorganiser le travail, de connaître l’offre matérielle disponible, mais aussi d’avoir une approche plus technique, pour maîtriser les réglages, et plus agronomique pour éviter les impacts indésirables sur la production.
Le désherbage mécanique pose un certain nombre de défis techniques surtout quand on aborde le désherbage du cavaillon. Les outils peuvent blesser ou sectionner les souches s’ils sont mal réglés, ou couper quelques racines superficielles. D’autre part, le désherbage peut être imparfait, dans l’espace et dans le temps, l’action des outils n’ayant pas de persistance. Il subsiste donc une petite concurrence des adventices pour l’eau et pour l’azote. Pour limiter cet impact, plusieurs voies d’optimisation sont à rechercher : au niveau de la stratégie des interventions pour l’efficacité de désherbage, au niveau du choix et du réglage des outils pour éviter les blessures.
1) Les grands principes à retenir pour réussir le désherbage mécanique.
Anticiper la croissance des adventices. Il faut anticiper la croissance des mauvaises herbes car les outils interceps ne sont pas conçus pour débroussailler. Plus les herbes sont développées, plus il y a de cohésion entre leurs racines et la bande de terre travaillée, et plus il y a de risques de bourrage (avec les outils rotatifs notamment). Il est donc plus difficile d’arriver à la fragmentation voulue pour bien désherber et les réglages seront plus fastidieux.
Stratégiquement, l’anticipation implique de réaliser une première intervention dès mi-février si l’état du sol le permet, à condition que la parcelle soit accessible. Cette première intervention a pour objectif principal de créer des conditions favorables (sol déjà travaillé, peu d’herbe) à la gestion du printemps, qui est la période la plus critique. Pendant la période estivale, l’entretien peut être plus rapide si le printemps a été bien géré. Après la récolte, une intervention est envisageable pour casser les levées automnales ou reformer le cavaillon.
La gestion des déplacements de terre est cruciale, que cela soit dans une stratégie de chaussage – déchaussage ou dans un travail plus léger. Il faut maintenir une bande de terre meuble sur laquelle il est facile d’intervenir.
Alterner les outils permet de gérer les déplacements de terre et évite l’apparition de lissages dans le sol à force de passages répétitifs.
La prise en compte du reste de l’itinéraire technique est importante pour l’épamprage notamment : selon la planéité du sol, les pampres sont plus ou moins accessibles aux moyens mécaniques d’épamprage. La gestion des fils releveurs est à prendre en compte également pour éviter que ceux-ci ne soient au sol au moment du désherbage mécanique.
2) Connaître l’offre d’outils complémentaires disponibles
Les décavaillonneuses fonctionnent en découpant une bande de terre et en la retournant, avec un soc versoir. Ces outils sont très efficaces mais présupposent qu’il existe un cavaillon formé au-dessus du niveau de l’inter-rang pour éviter de creuser et de toucher les racines superficielles des ceps. La gestion du déplacement de terre induit fait partie de la stratégie à mettre en place. La vitesse de travail est limitée avec ce type d’outil.
- Les houes rotatives sont intéressantes dans un sol meuble et frais pour leur impact de désherbage important. Elles sont limitées en vitesse d’avancement pour avoir le temps de travailler de part et d’autre du pied de vigne. Elles désherbent par sectionnement, arrachage et dispersion. De fait, il existe un déplacement de terre induit de manière diffuse avec ces outils, qu’il faut surveiller, sous peine de déchausser progressivement les vignes.
Bon à savoir
Il existe des houes rotatives spécialement conçues pour ne pas trop déplacer de terre. Une centrale hydraulique est recommandée pour éviter la surchauffe du circuit hydraulique du tracteur.
- Les lames bineuses réalisent un travail d’entretien plutôt superficiel. Elles soulèvent une bande de terre et le désherbage n’est assuré que si celle-ci se fragmente pour dissocier les mottes et les racines des adventices.
Bon à savoir
La vitesse de travail idéale avec ces outils est plutôt élevée, vers 4 – 5 km/h, pour assurer la fragmentation. Le résultat peut être accentué avec divers dispositifs de fragmentation simplement fixés sur les lames.
- Les brosses sur axe horizontal réalisent un travail à mi-chemin entre le désherbage mécanique et la tonte. Elles sont utiles pour maîtriser la flore adventice par une action agressive au sol ayant l’avantage de brosser le cep et donc d’épamprer lorsque c’est le moment, en laissant l’état de surface du sol à plat.
Des systèmes d’effacement variés
Le porte-outil intercep est la base sur laquelle viennent se fixer les différentes catégories d’outils. Cette base contient le dispositif d’effacement, sur pivot, ou sur un parallélogramme déformable. La différence est le mouvement relatif de l’outil par rapport au pied de vigne, qui est perpendiculaire au sens d’avancement dans le cas du parallélogramme déformable. L’effacement est soit complètement mécanique, ce qui suppose un appui fort contre le cep, soit assisté avec un vérin hydraulique ou pneumatique.
Bon à savoir
Ces solutions d’assistance permettent de gagner en réactivité dans des sols difficiles à travailler, ou quand le volume de terre à déplacer est important. Le déclenchement hydraulique permet aussi de retirer un outil devant un jeune complant sans s’appuyer sur celui-ci.
3) Optimiser le travail par le réglage des outils
La profondeur de travail détermine la résistance rencontrée par l’outil dans le sol
L’action de désherbage étant plutôt superficielle, il est inutile de chercher trop de profondeur, c’est une source de complication dans les réglages puisqu’il devient plus difficile de trouver le bon compromis entre la vitesse et la réactivité des outils pour éviter les souches.
Le centrage des outils est déterminant pour le bon positionnement par rapport à la ligne des souches
Si on cherche un croisement excessif du travail des outils sur cette ligne, le débattement du système d’effacement sera lui aussi important et demandera plus de temps qu’avec un croisement minimum, au détriment de la vitesse de travail, et avec un risque supérieur de blessures sur le tronc.
Le pare-cep devra être réglé en fonction des caractéristiques des pieds de vigne
S’ils sont établis de façon très droite et très bien alignés, le réglage peut chercher une approche maximum pour limiter la zone non désherbée. A l’inverse, dans des parcelles moins idéales, une marge de sécurité est nécessaire : on cherchera un déclenchement du retrait quelques centimètres avant la souche.
Pour limiter la prolifération d’adventices dans cette zone, on peut équiper les outils de cure-ceps, pièces mobiles articulées en bout de lame ou derrière le porte-outil, dont l’objectif est de venir au contact pour fractionner la bande de terre de sécurité. Idéalement, le pare-cep suit le sol, pour éviter de détecter le tronc d’un pied de vigne penché trop tôt, ou plus grave, trop tard.
Bon à savoir
Selon l’état de surface du sol, la présence de grosses mottes ou de cailloux, ou la présence de mauvaises herbes très développées, on peut être amené à relever le pare-cep. Les réglages de base que sont la profondeur, le centrage et la marge de sécurité ont encore plus d’importance dans le cadre d’une transition du désherbage chimique vers le désherbage mécanique car pendant cette période, il y a plus de risques de rencontrer des racines superficielles de taille importante dans la zone de travail, avant que le réseau racinaire ne puisse éventuellement se redéployer.
Quel coût ?
Le surcoût directement lié à la substitution des herbicides par du travail mécanique est de l’ordre de 200 à 300 euros par hectare en vignes larges, et ne prend pas en compte la réorganisation du travail qu’elle implique sur les exploitations.
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