Lancé en 2021, le projet ‘Vitalicuivre’ vient de livrer des premiers enseignements : oui, certaines plantes permettent d’extraire le cuivre des sols viticoles. Mais l’itinéraire technique reste à construire.
Dans quel contexte se positionne le projet Vitalicuivre ?
Marie Bonnisseau : « Ce projet national est porté par Thierry Lebeau, spécialiste de la pollution des sols à l’Université de Nantes UMR LPG, en partenariat avec le BRGM, pour l’étude des sols, et Wisium, spécialiste de l’alimentation animale. La problématique initiale est de voir comment limiter, voire abaisser la quantité de cuivre dans les sols viticoles, en s’appuyant sur la capacité de certaines plantes à extraire le cuivre, puis en valorisant ces dernières en alimentation animale, dans un cadre d’économie circulaire. L’IFV d’Angers intervient pour tester in situ et en conditions réelles les plantes sélectionnées, via un suivi des biomasses produites, des quantités de cuivre extraites et de données agronomiques de la vigne. L’idée n’est pas de déplacer la pollution, mais de valoriser ce cuivre dans des prémix alimentaires destinés aux filières animales, en créant une chaîne complète de valorisation. »
Quelles sont ces plantes ?
M.B.: « Le Laboratoire de Planétologie et Géosciences (LPG) a sélectionné des plantes à capacité d’extraction du cuivre très importante, associées ou non à un complexe bactérien permettant d’augmenter la phytoextraction. Il s’agit de l’avoine, de la chicorée, de la moutarde brune, du ray-grass et du sarrasin. »
Dans quelles conditions s’est déroulé cet essai ?
M.B.: « Sur le terrain, nous avons deux années de données, 2022 et 2023. Deux millésimes compliqués. En 2022, nous avons suivi les consignes du LPG et semé au printemps, comme nous l’avons préconisé. En 2023, nous avons semé à l’automne, ce qui est plus en phase avec les itinéraires techniques de semis d’engrais verts et d’enherbement, afin de favoriser l’implantation. Mais l’année très sèche a pénalisé les rendements de biomasses, qui sont très en deçà de ce que l’on peut retrouver en grandes cultures, d’autant qu’on s’est mis en condition réelles de production viticole, sans apport d’eau ni d’engrais. »
Sur quelle(s) plante(s) les données sont-elles encourageantes ?
M.B.: « Nous avons de bonnes concentrations de cuivre dans le sarrasin, mais la chicorée ressort davantage en raison de sa capacité à fixer le cuivre dans ses racines et le feuillage. De plus, le sarrasin est une plante gélive et a un itinéraire technique compliqué. Nous avons donc retenu la chicorée, avec consigne de semer à l’automne, d’autant qu’elle peut être laissée en place quelques années et ne concurrence pas la vigne, avec une gestion comparable à des couverts temporaires et une fauche en juin-juillet. »
Quid du cuivre extrait ?
M.B. : « Les proportions sont malheureusement décevantes, déjà parce que le rendement des plantes l’est. Nous sommes entre 1 et 2 % de cuivre extrait. Tout le challenge va être d’être plus performant sur la production de biomasse, en optimisant l’itinéraire technique de la chicorée du semis à la récolte puisque, rappelons-le, nous n’avons pas mis d’engrais par exemple. »
Qu’en est-il du volet alimentation animale ?
M.B.: « Wisium pensait développer un prémix pour les porcs, mais la technique reste compliquée à mettre en œuvre en raison de coût important de déshydratation de la chicorée, sans parler de l’exportation et du transport qui pénalisent l’analyse ACV réalisée au niveau environnemental. En revanche, une valorisation en circuit court en fourrage à destination des bovins est nettement plus intéressante, équivalente à un enherbement spontané, d’autant que la chicorée produit de l’inuline, une fibre naturelle intéressante pour ses effets probiotiques. La destination vers les ovins n’est pas travaillée, car le cuivre est toxique pour les moutons. »
Quelles sont les suites de ce projet ?
M.B.: « Des essais vont être lancés sur d’autres légumes racines, pour augmenter le taux d’extraction du cuivre. Nous pourrions être sollicités dans un second temps sur cette nouvelle salve d’espèces. Des travaux similaires sur les plantes avec des capacités de phytoextractions ont été menés en Italie et ont montré une amélioration des biomasses produites, et donc des quantités de cuivre extraites, dans une modalité boostée avec eau et engrais. Déjà si nous étions en mesure de proposer des plantes extrayant les apports annuels de cuivre, le pas serait important. »

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