Qu’est-ce que la création variétale ?

De la sélection clonale à la création de variété,
un changement de cap pour le Pôle Matériel Végétal de l’IFV

 

L’IFV et l’INRA conduisent des programmes d’amélioration de la vigne dans le but de diminuer la dépendance de la viticulture aux intrants phytosanitaires. La cible principale est la résistance aux maladies cryptogamiques (mildiou, oïdium et black rot), responsables à elles seules de plus de 80% de la consommation de pesticides par la filière.

L’INRA, au sein de l’UMR SVQV de Colmar, a étudié le déterminisme génétique des résistances provenant de vignes sauvages d’origine américaine ou asiatique. Il a mis au point des marqueurs moléculaires associés aux facteurs de résistance, ainsi que des biotests de résistance pour le mildiou et l’oïdium. Les recherches se poursuivent pour la résistance au black rot.
Un programme de création de variétés à raisins de cuve a été engagé en 2000, en pyramidant par hybridation des facteurs de résistance complémentaires, disponibles sous forme introgressée dans le fonds génétique cultivé. Il a permis de créer une cinquantaine d’obtentions à résistances oligogéniques, produisant du vin de bonne qualité et présentant une diversité d’époque de maturation adaptée aux grandes zones climatiques françaises. Quatre d’entre elles ont été inscrites au catalogue national et classées en 2018 (en savoir +). Une vingtaine d’autres devrait suivre d’ici 2025.

L’IFV, avec ses partenaires de l’UMT Géno-Vigne® (IFV, Montpellier SupAgro, équipe INRA DAAV de l’UMR AGAP) n’est pas en reste et, en s’appuyant sur l’expérience de création variétale du domaine de l’INRA Vassal et l’expérience d’Alain Bouquet, a relancé en 2007 un programme de création de variétés à raisins de table selon les mêmes principes que ceux de l’UMR SVQV (pyramidage de gènes de résistance).

Il a conduit à la création d’une trentaine d’obtentions à résistances oligogéniques, dont certaines se rapprochent d’un type “raisin de cuve“.

Depuis 2013, les deux instituts ont engagé, avec les principales régions viticoles, des programmes de création variétale visant à obtenir de nouvelles variétés résistantes et à typicité régionale.
Dans chaque programme, en accord avec les professionnels, ont été retenus des cépages dits emblématiques dont on souhaite conserver les qualités à la descendance.
Ils sont croisés par hybridation avec des génotypes donneurs de résistances.

Aujourd’hui, ce sont environ 1400 génotypes qui ont ainsi été générés, des descendants d’Ugni blanc, de Chardonnay, de Pinot noir, de Syrah, de Grenache, de Sauvignon, de Cabernet franc, de Colombard, de Cinsaut, de Vermentino, de Riesling …

Ces génotypes ont fait l’objet d’une sélection assistée par marqueurs moléculaires qui aura permis de vérifier leur parenté, qu’ils ont hérité des facteurs de résistance du parent résistant et qu’ils sont hermaphrodites. Cette sélection assistée par marqueurs permet également de distinguer la couleur.

Les premiers plants issus de ces différents programmes ont ainsi été plantés depuis 2016 en parcelles expérimentales, pour un suivi du « stade 2 ».
Pendant la durée de tous les stades 2, l’IFV au Domaine de l’Espiguette, conserve tous les génotypes. A l’issue de cette phase, une vingtaine d’individus seront retenus pour la dernière étape dite VATE (valeur agronomique technologique et environnementale) ou stade 3.

Cette dernière étape devrait conduire à l’inscription au Catalogue Officiel de 3 à 4 nouvelles variétés par programme.

Le changement climatique est pris également en compte dans le choix des parents en vue de réaliser les croisements. Il sera également pris en compte dans les observations conduites en stade 2 où seront retenues les obtentions variétales plus tardives, à potentiel d’accumulation en sucre plus limité. Tout en ne négligeant pas le volet organoleptique qui doit guider naturellement les tris à réaliser.

La création variétale, comment ça se passe ?

 

La sélection clonale relevant de la multiplication végétative et donc la reproduction à l’identique des mêmes individus, dans le cadre de la création variétale il est question de reproduction sexuée. Il faut donc 2 parents que l’on souhaite croiser.

Dans ce cas, sur un des parents qui sera utilisé en mâle, il s’agit juste avant la floraison de récupérer le pollen sur les inflorescences. Le pollen est ensuite tamisé puis stocké au frigo à l’abri de l’humidité.
Sur l’autre parent, qui sera utilisé en femelle, les inflorescences sont castrées ce qui signifie enlever les capuchons floraux et éliminer les étamines.
En laissant seul le pistil, organe femelle, on va pouvoir dès le lendemain répandre le pollen à l’aide d’un pinceau. Cette opération sera reconduite tous les jours pendant 6 ou 7 jours.

Au bout de 15 jours, on met les grappes en formation dans un filet et on attend la pleine maturité. A l’issue, on extrait les pépins et on les met dans l’eau. Ceux qui flottent n’ont pas d’embryon et sont éliminés.

Les autres sont stockés au froid pendant quelques semaines. A l’issue, ils seront mis à germer.

Dès que les premières feuilles apparaissent, on prélève alors quelques morceaux de végétal pour procéder à la sélection assistée par marqueurs moléculaires (SAM). La SAM permet rapidement de vérifier l’identité des parents, l’héritabilité des caractères (facteurs de résistance), la couleur et le caractère hermaphrodite.

Les individus sélectionnés sont conservés pour obtenir en fin d’année n+1 des greffons en quantité suffisante et de diamètre suffisant pour être greffés.

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