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Une pratique intéressante pour faciliter le passage au zéro herbicide

L’objectif de l’étude présentée ici est d’entretenir le sol de façon durable sur le plan environnemental et économique. L’enherbement est une technique dont les bienfaits sur le sol et l’environnement ont été démontrés (lutte contre l’érosion, réduction de l’utilisation des herbicides, biodiversité…), en particulier par les expérimentations menées conjointement par la Chambre d’Agriculture du Rhône et la Sicarex Beaujolais. Cependant la concurrence exercée par l’enherbement vis-à-vis des ressources hydro-azotées peut être un frein à sa mise en place : baisse importante de la vigueur, du rendement, problème de fermentescibilité des moûts.

De façon à exclure toute utilisation d’herbicides, le rang est le plus souvent travaillé mécaniquement, l’inter-rang étant enherbé (ou travaillé mécaniquement). Or, le travail sous le rang étant délicat (risque de blessures des souches, difficultés techniques à travailler sur la ligne des souches, temps de travail), une solution serait d’inverser les deux techniques dans l’espace : inter-rang travaillé et cavaillon enherbé. Cela permettrait de gérer plus facilement la surface sous le rang (tonte) et de diminuer la concurrence liée à l’enherbement par diminution de la surface enherbée.

Caractéristiques de l’expérimentation

L’expérimentations a été mise en place en 2017, à la suite de 3 années où un enherbement avait été semé sous le rang à base soit de Pâturin des prés, soit de Kolérie mais où ces espèces ne s’étaient pas implantées. A partir de là, il a donc été décidé de laisser le cavaillon s’enherber naturellement.

La parcelle est située à Saint Etienne La Varenne, sur sol granitique profond. La vigne est menée en cordon, avec des inter-rangs de 2,2 m de large.

Trois modalités sont comparées :

– T : témoin enherbé sur l’inter-rang (pâturin initialement) et désherbé mécaniquement (depuis 2019) sous le rang.
– ER : enherbement naturel sous le rang et désherbage mécanique sur l’inter-rang.
– Méca : désherbage mécanique sur toute la surface.

Le suivi expérimental s’est déroulé de 2017 à 2023.

Développement du couvert sous le rang

Le taux de recouvrement du couvert sous le rang (figure 1) est logiquement plus faible au printemps les millésimes où le printemps est sec (2019, 2020, 2022). Il remonte pour ces millésimes quand l’été est normalement pourvu en eau (2019 et 2022) mais reste faible si l’été est sec (2020). L’effet est inverse pour 2018 avec un printemps arrosé et un bon développement du couvert puis un été plutôt sec qui provoque la diminution du taux de recouvrement. Pour les trois autres millésimes (2017, 2021 et 2023), le taux reste élevé tout au long de l’année. Quelle que soit l’année, le pourcentage de couverture reste toujours supérieur à 50 %, une partie des espèces qui se sont développées au printemps séchant en été (vulpie queue de rat, trèfle des champs, andryale, crépis de Nîmes).

Figure 1 : Evolution du taux de recouvrement du couvert sous le rang (%) en fonction des millésimes

Tableau 1 : Résultats des mesures de Dualex

Bois de taille

En 2018, la modalité Mécanique présente une vigueur plus élevée (figure 2). Il en va de même en 2023, la différence n’étant significative qu’avec le Témoin enherbé. Le poids moyen du sarment de la modalité Mécanique est alors supérieur de 50 % à celui du Témoin. Un gradient apparaît sur les 3 dernières années dans le sens de ces résultats.

Figure 2 : Poids de bois de taille (g/cep) Les lettres en rouge indiquent une différence significative au seuil de 5 %

Rendements

Les différences sur les composantes du rendement n’apparaissent que les deux dernières années. Le rendement de la modalité Mécanique est supérieur à celui du Témoin (figure 2), en particulier en 2023 (+71 %). Ceci est dû à des grappes plus grosses en 2022 et à un nombre de grappes par cep plus élevé en 2023. Le poids des baies est plus important sur la modalité Mécanique les deux années (environ + 20 %).

Figure 3 : Rendement (kg/cep) – Liergues Les lettres en rouge indiquent une différence significative au seuil de 5 %

Teneur en azote assimilable des moûts

Le Témoin enherbé présente souvent des teneurs en azote assimilable inférieures, que ce soit par rapport à la modalité désherbée mécaniquement (2019, 2022 et 2023) ou par rapport à la modalité enherbée sous le rang (2019, 2020 et 2023). Les écarts peuvent être très importants : jusqu’à 2 fois plus d’azote assimilable en 2023 pour la modalité enherbée sous le rang et 2,5 fois plus pour la modalité désherbée mécaniquement (figure 4). Le manque de différence significative sur ces teneurs en azote en 2021 peut s’expliquer par les cumuls de précipitations importants qui caractérisent ce millésime et qui ont permis une bonne alimentation en eau (et donc en azote) quelle que soit la modalité considérée.

Figure 4 : Teneurs en azote assimilable des moûts en rapport au témoin (témoin = 1) Les lettres en rouge indiquent une différence significative au seuil de 5 %

Excepté ces écarts sur l’azote assimilable et une acidité des moûts plus élevée sur la modalité désherbée mécaniquement certaines années, la qualité des baies est comparable sur les 3 modalités.

Aspect économique

L’outil Viticoût® (http://www.viticout.com) a été utilisé pour réaliser ces estimations de coûts, à partir des caractéristiques de la parcelle d’expérimentation. Les coûts liés à l’entretien du sol sont représentés dans la figure 5. L’enherbement sous le rang permet de diminuer le coût de l’entretien du sol de 82 % par rapport à un enherbement sur l’inter-rang et de 73 % par rapport à un désherbage mécanique. Le poste Outil est le plus impacté en proportion, suivi par le poste Traction.

Figure 5 : Coûts liés à l’entretien du sol par type de dépense (€/ha)

Conclusions

Cet essai d’enherbement sous le rang montre la faisabilité de cette technique. La couverture est satisfaisante même si elle varie en fonction des millésimes et au cours du cycle végétatif en lien avec la pluviométrie. L’enherbement naturel qui s’est développé (à base de vulpie, rumex petite oseille, crépis de Nîmes, andryale, coquelicot et plantain lancéolé) ne semble pas concurrentiel et n’a pas d’effet sur la vigueur et le rendement de la vigne. Il a tendance à sécher l’été en lien avec le manque de précipitations. La surface enherbée plus faible par rapport à un enherbement dans l’inter-rang (environ de moitié) explique également ce fait, de même que la tendance constatée d’augmentation de la teneur en azote des baies par rapport à un enherbement de l’inter-rang.

D’ailleurs les résultats obtenus avec cette technique sont assez proches de ceux du désherbage mécanique intégral, ce qui montre le peu d’impact du couvert sous le rang sur la vigne.

Enfin, l’intérêt économique de cette technique est très net, d’autant plus que la tonte n’est pas nécessaire du fait du dessèchement d’une grande partie du couvert en été : 70 à 80 % de diminution des coûts d’entretien du sol par rapport à un désherbage mécanique sur toute la surface ou un enherbement sur l’inter-rang. L’enherbement sous le rang permet donc de faciliter la suppression totale des herbicides, la difficulté d’entretenir le sol mécaniquement sous le rang étant souvent un frein à cette évolution.

De façon à tout de même limiter le désherbage mécanique, qui a un effet délétère sur la biologie du sol, un essai a été mis en place à la suite de cette expérimentation en 2024, en conservant l’enherbement sous le rang et en semant des engrais verts sur tous les inter-rangs.

NB : Cette étude a pu être réalisée grâce au concours financier de la Région Auvergne-Rhône-Alpes 

Cet article est une synthèse du compte rendu détaillé, disponible sur l’extranet d’Inter-Beaujolais.

Accéder à la synthèse complète