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Les solutions alternatives aux intrants phytosanitaires en viticulture

En protection du vignoble, les molécules autres que celles issues de la chimie de synthèse sont de plus en plus plébiscitées. Contrairement aux fongicides « classiques » qui doivent faire l’objet d’une autorisation de mise en marché, basée sur leur efficacité intrinsèque et sur leur profil écotoxicologique, la plupart des préparations alternatives sont proposées comme « engrais » ou « substances de croissance », ce qui permet de garantir uniquement leur composition mais pas leur efficacité, ni leur niveau de toxicité. Entre 1984 et 2008, l’IFV a mis en place des essais permettant de valider ou d’infirmer les allégations formulées.

 Les SDP ou stimulateurs de défense des plantes : c’est quoi ?

Les stimulateurs de défense des plantes (SDP) constituent un sous-groupe au sein de la grande famille des solutions dites alternatives aux intrants phytosanitaires. Les SDP sont des substances capables de déclencher la production de composés de défense contre les pathogènes ou les ravageurs. Dans cette famille, on distingue les éliciteurs (déclenchement des réactions de défense dès leur application) et les potentialisateurs (déclenchement lorsque la plante est confrontée à un pathogène). Les spécialités Elistim, Sémafort, PK2, ou l’acide salycilique sont quelques exemples de SDP. Certains auteurs trouvent la terminologie SDP plus appropriée que SDN (Stimulateur des Défenses Naturelles), car certaines de ces substances, comme les phosphites, le foséthyl-Al, peuvent être de synthèse. Parmi ces SDP, les phosphites ou phosphonates qui agissent de manière systémique, stimulent la production des phytoalexines et peuvent inhiber certaines voies métaboliques du mycélium, et la sporulation des souches fongiques.

Quelle a été la méthodologie utilisée lors des essais menés par l’IFV sur les solutions alternatives en viticulture ?

Les produits utilisés seuls ont été comparés à un produit de référence (méthode CEB – commission des essais biologiques au protocole normalisé) à dose homologuée et à cadence de traitement identique. Les formulations cupriques ont été comparées, à apport égal de cuivre/ha avec la bouillie bordelaise RSR ou avec Héliocuivre. Si les solutions alternatives sont utilisées en association avec un fongicide pour en diminuer la dose d’emploi, cette association est comparée à ce même fongicide utilisé seul à la dose présente dans l’association. Le dernier cas de figure concerne certains produits préconisés avant les périodes habituelles de traitement, et qui précèdent généralement la période de grande sensibilité de la vigne, leur efficacité est alors jugée en comparant des programmes-types avec ou sans les applications « préparatoires », ce type de produit concerne, actuellement tout au moins, davantage l’oïdium que le mildiou.

Comment interpréter le classement proposé à l’issue de ces essais ?

Les modalités sont bien évidemment comparées à un témoin non traité et tous les essais sont conduits en station de brumisation afin de disposer d’une pression parasitaire significative et assurée. Afin de simplifier la présentation des résultats, ceux-ci ont été regroupés en classes.

  • « efficacité nulle ». Ont été regroupées sous cette mention les formulations utilisées seules qui s’avèrent non différentes statistiquement du témoin non traité. Cette absence de différence statistique, s’accompagne généralement d’un niveau de dégâts comparable à celui présent dans le témoin à plus ou moins 10%.
  • « efficacité nulle à moyenne ». Sous-entend des résultats variables et un besoin probable…. d’essais complémentaires sauf si les organes concernés, feuilles/grappes, sont précisés.
  • « efficacité moyenne ». Correspond à une efficacité de 20 à 30% et inférieure à celle de la référence «chimique ». Cette classe de produit est susceptible de procurer une protection satisfaisante dans un contexte de pression parasitaire faible à moyen (moins de 30% d’intensité de dégâts sur grappes dans le témoin non traité).
  • « efficacité bonne ». Correspond à un comportement statistiquement comparable à celui de la référence.
  • « sans intérêt ». Regroupe les produits utilisés en association ou avec un fongicide sous-dosé, ou renfermant un fongicide sous-dosé, qui se révèlent non différents de ce même fongicide sous-dosé utilisé seul. Dans le cas d’essai du type adjuvant + fongicide à dose homologuée, l’adjuvant est classé « sans intérêt» si l’efficacité n’est pas améliorée.
    « antagonisme » signifie que le produit expérimenté diminue l’efficacité du fongicide associé.

Quelles conclusions tirer à la suite de ces essais sur les solutions alternatives en viticulture ?

Seules quelques préparations à base d’acide phosphoreux ou de phosphonates se révèlent, vis à vis du mildiou, d’une efficacité d’un niveau proche ou parfois identique à celle d’un fongicide classique, systémique dans ce cas précis. Utilisés seuls ces produits semblent cependant devoir être clairement réservés à des situations à pression parasitaire faible à moyenne. Les purins d’ortie ou de prêle, associés à une Bouillie Bordelaise nettement sous-dosée, présentent une efficacité inférieure à celle d’une protection cuprique classique, mais peuvent donner satisfaction face à un mildiou peu virulent, charge à l’utilisateur de changer rapidement de stratégie si la pression parasitaire augmente, et d’accepter de probables variations d’efficacité du fait de la fabrication artisanale de ces préparations. Sur oïdium le produit Stifénia, bien qu’homologué, se révèle totalement inefficace face à une épidémie de type drapeaux. Toujours sur oïdium, les expérimentations 2008 permettent d’attribuer aux produits Prevam et Timorex ainsi qu’au lactosérum une efficacité assez intéressante, qu’il faudra vraisemblablement conforter par des mesures restant à imaginer et à valider. En dehors de cet aspect purement technique, il n’est sans doute pas inutile de préciser que les produits expérimentés sont d’un coût/ha généralement comparables aux fongicides «classiques» mais aussi parfois… nettement supérieurs. Concernant les SDP stricts (sans phosphite), il apparaît évident que leur utilisation seule au vignoble n’entraîne aucune efficacité malgré des résultats pouvant être concluant en laboratoire. L’intérêt éventuel de ces SDP réside dans leur association avec des molécules homologuées, afin d’augmenter leur efficacité à dose réduite et/ou allonger les cadences de traitement. Différents essais mis en oeuvre sur le réseau IFV évalueront l’intérêt de ces associations en 2009.