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L’enroulement viral de la vigne

L’enroulement est une maladie virale connue depuis le XIXe siècle et qui touche à l’heure actuelle tous les vignobles du monde. Sa rapidité de propagation, parfois explosive, dépend de la dynamique des populations de ses vecteurs aériens, différentes espèces de cochenilles.

Quels sont les symptômes de l’enroulement viral de la vigne ?

Ce syndrome se caractérise par un enroulement vers le bas du limbe des feuilles. Sur cépages rouges, des taches rouges apparaissent dès les mois de juin-juillet, sur les feuilles de la partie inférieure des rameaux. Ce rougissement s’étend progressivement à l’ensemble du limbe. La zone autour des nervures, primaires et secondaires reste épargnée, le limbe s’épaissit et s’enroule vers le bas. A l’automne, les feuilles atteintes peuvent brunir et présenter une nécrose de l’épiderme supérieur. Les cépages blancs sont atteints d’un jaunissement plus difficile à diagnostiquer. Comme pour beaucoup de viroses, l’intensité des symptômes peut varier en fonction des cépages, du millésime, et de la forme d’enroulement présente. Les virus de l’enroulement ne manifestent en général pas ou très peu de symptômes sur les porte-greffes (et, plus largement, sur les espèces américaines et leur hybrides).

Quels sont les dégâts provoqués par l’enroulement viral de la vigne ?

L’enroulement ne provoque pas la mort du cep, des souches très anciennes sont parfois porteuses de la maladie depuis de nombreuses années. Sa présence se traduit souvent par une diminution des rendements (de -10 à -40%) liée à une baisse de la fertilité, du poids des grappes et de la vigueur des ceps atteints. Des retards de maturation allant de 2 à 3 semaines ont également été observés. Ces retards se traduisent par des teneurs en acides plus élevés, une baisse du degré alcoolique et de la concentration de la baie en composés polyphénoliques (tanins et anthocyanes). Aucune rémission des plants malades n’est possible. Pour certains cépages, notamment des blancs, la présence d’un enroulement peut être très difficile à visualiser et avoir un impact qualitatif faible. Au contraire, les conséquences agronomiques et qualitatives peuvent s’avérer catastrophiques sur des cépages sensibles comme le Pinot noir (pertes importantes de polyphénols, déséquilibres, …), à plus forte raison lorsque des cumuls de virus sont constatés.

Quels sont les virus responsables de l’enroulement de la vigne ?

Pas moins de huit virus différents, de GLRaV1 à GLRaV8 (Grapevine Leaf Roll associated Virus en anglais) ont été décrits en association avec des symptômes d’enroulement. Ces virus sont des virus filamenteux de la famille des clostéroviridés. En règle générale, seuls GLRaV 1, 2 et 3 induisent des symptômes décelables en France. De façon anecdotique, on a pu cependant en observer sur des souches atteintes de GLRaV 4. Au cours de l’infection, ces virus obstruent les vaisseaux du phloème et empêchent les produits de la photosynthèse de circuler jusqu’aux baies.

Sous nos latitudes, l’enroulement type 2 provoque des symptômes beaucoup plus légers que les types 1 et 3 (qui, sur les cépages les plus sensibles, peuvent induire des manifestations spectaculaires). Ils sont même difficilement décelables sur cépages blancs, à tel point que certains clones sélectionnés, parfois même considérés comme très qualitatifs, ont été largement multipliés sans que la présence de ce virus ne cause de problème technique. Par contre, le GLRaV 2 est responsable d’incompatibilités au greffage, en particulier avec le porte-greffe Kober 5BB, et ses manifestations peuvent être beaucoup plus graves dans d’autres contextes climatiques. Enfin, en association avec un autre virus de l’enroulement, on constate un effet synergique qui aggrave nettement les symptômes de la maladie. C’est pourquoi il est exclu de la sélection, au même titre que les GLRaV 1 et 3.

Comment se propage l’enroulement viral de la vigne ?

Historiquement, la première cause de propagation et de dissémination de l’enroulement dans le monde a été le matériel végétal contaminé. C’est pourquoi, depuis le début de la sélection (à partir de 1944, sur symptômes visuels), ces viroses ont été systématiquement éliminées du processus de sélection. Cependant, au vignoble, l’enroulement peut également se transmettre par l’intermédiaire d’insectes vecteurs : les cochenilles. En France, 4 espèces principales de cochenilles réparties en deux familles (à carapace ou coque, et farineuses) ont été identifiées comme vectrice des virus GLRaV1 et GLRaV3, le vecteur du virus GLRaV2 étant à ce jour toujours inconnu. Il s’agit de Parthenolecanium corni, Pulvinaria vitis, Heliococcus bohemicus et Phenacoccus aceris. De façon plus épisodique, on peut aussi rencontrer en France Pseudococcus affinis, Pseudococcus. calceolariae, Pseudococcus longispinusPlanococcus citri, Planococcus ficus, Parthenolecanium persicae, Parasaissetia nigra, Saisseta sp. D’autres espèces ont également été identifiées dans les vignobles californiens et sud-africains. Ces cochenilles se nourrissent de la sève en piquant la plante et peuvent transmettre les virus contenus dans leur salive. On observe aujourd’hui des propagations très inquiétantes d’enroulements dans le monde (Californie, …) et en France (Bourgogne, Beaujolais, Champagne…), en lien probable avec une recrudescence des populations de cochenilles dans ces zones (sous l’influence du climat, des aspects phytosanitaires, …).

Comment dépister l’enroulement viral de la vigne ?

ll existe 3 méthodes pour dépister les virus de l’enroulement :

  • l’indexage : cette technique consiste en un greffage sur des variétés indicatrices très sensibles. 2 à 3 mois après le greffage, les mêmes symptômes que ceux observés au vignobles (coloration rouge et enroulement des bordures) apparaissent dans des conditions optimales (14°C la nuit et 26°C le jour). Certains cépages rouges sont d’excellentes variétés indicatrices ; Merlot, Pinot noir ou Cabernet Franc sont couramment employés
  • les tests ELISA : l’utilisation d’antisérums spécifiques permet de mettre en évidence la présence de virus responsables de l’enroulement. Le choix des tissus utilisés pour le test est primordial. Des feuilles adultes ou des bois dormants sont, en général, de bonnes sources de virus, les sarments d’hiver étant utilisés préférentiellement car donnant des résultats plus fiables
  • les tests PCR : la définition des séquences nucléotidiques des virus responsables de l’enroulement a permis d’appliquer les méthodes PCR à leur détection. Les amorces ne permettent pas toujours de détecter tous les isolats d’un GLRaV identifié par Elisa, c’est le cas notamment des virus 1 et 7

Comment lutter contre l’enroulement viral de la vigne ?

La lutte contre les virus de l’enroulement repose d’abord sur la sélection sanitaire et l’utilisation de plants certifiés. La sélection clonale, ainsi que le schéma français de multiplication du matériel végétal, assorti de nombreux contrôles à tous les niveaux, permet aujourd’hui de considérer notre matériel national comme l’un des plus sûrs au monde. En cas de besoin (sélection de nouveaux clones ou sauvetage d’une variété rare, par exemple), des techniques d’assainissement existent (cultures de plants in vitro, et traitement par thermothérapie). Elles ont été et sont encore largement utilisées dans le cadre de travaux de conservation, d’évaluation et de valorisation de la diversité génétique de la vigne. Afin de réduire encore les risques de dissémination de l’enroulement via le matériel végétal, il est important d’améliorer les connaissances sur les virus et les techniques de détection. Dans les vignobles où les cochenilles vectrices jouent un rôle significatif dans la propagation de l’enroulement, des traitements insecticides peuvent éventuellement être envisagés. Des études de lutte biologique sont actuellement menées par l’IFV de Bourgogne.