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La vinification des vins blancs en conditions réductrices

La vinification en conditions réductrices des vins blancs désigne une technique de vinification à l’abri de l’air initiée et devenue très populaire en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Pourquoi vinifier en conditions réductrices et sur quels cépages ?

Vinifier en conditions réductrices est intéressant sur presque tous les cépages blancs, lorsque l’on souhaite élaborer des vins frais et fruités, puisque cette technique permet de limiter les phénomènes oxydatifs, qui conduisent sur moût à :

  • une perte aromatique importante (thiols et terpénols)
  • un brunissement du à l’oxydation des phénols
  • une formation de composés aromatiques secondaires (éthanal)

Elle prend particulièrement de sens sur les cépages aromatiques comme le Sauvignon Blanc ou le Colombard, et donne également d’excellents résultats sur Riesling par exemple. Elle est moins intéressante sur d’autres cépages comme le Chardonnay par exemple. Le point de départ de la technique repose sur des raisins sains sans pourriture.

Pourquoi et comment travailler au froid ?

L’oxydation et la consommation de l’oxygène par les moûts sont des phénomènes très rapides. Il s’agit de processus enzymatiques sous dépendance de 2 enzymes (tyrosinase et laccase). L’activité de ces enzymes étant dépendante de la température, il est préférable de travailler au froid. Cela peut se faire :

  • par récolte nocturne en cas de vendange mécanique
  • en refroidissant dans une chambre froide la vendange manuelle avant foulage/éraflage
  • en refroidissant la vendange par passage dans un échangeur thermique

Comment protéger le jus de l’air ?

  • Le CO2 est un précieux allié puisqu’il s’agit d’un gaz inerte, à pouvoir bactério-statique et dont la densité est supérieure à celle de l’air. Il forme ainsi une couche protectrice à l’interface moût/air. Il peut être utilisé sous forme liquide en bouteille sous pression ou sous forme de neige ou de glace carbonique (en stick) se transformant en CO2 au contact de l’air.
  • Par utilisation conjointe du SO2 et d’acide ascorbique sous forme liquide au fond de la benne à vendange par exemple, voire directement dans les godets de la machine à vendanger. Il peut être intéressant de fractionner les apports entre le vignoble et le foulage/remplissage du pressoir. Le dosage habituel est de 200 g de métabisulfite et de 50 g d’acide ascorbique par tonne de raisin.

Un inertage rigoureux doit être pratiqué tout au long des étapes préfermentaires (transfert de la vigne au chai, pressoir avant remplissage, cuve de destination des jus avant et après débourbage…). Il existe sur le marché des pressoirs permettant un pressurage complètement inerté. Pour en savoir plus concernant la protection des moûts en vinification en blanc, nous vous invitons à consulter notre fiche pratique sur la protection de la vendange blanche.

Comment limiter l’extraction des phénols ?

Il est très important de limiter l’extraction des acides phénols et plus particulièrement les acides cinnamiques qui peuvent être facilement oxydés en quinones caftariques. Si ces quinones s’agglomèrent, elles peuvent être à l’origine du brunissement du moût (casse brune) ou réagir avec les thiols responsables de l’arôme variétal des vins de Colombard et de Sauvignon, ce qui aboutit à une perte de potentiel aromatique. Afin de limiter l’extraction des phénols, il faut veiller à :

  • Limiter la macération de la vendange en séparant précocement le jus des matières solides, en limitant le temps de remplissage de la benne à la vigne et la durée de transport à la cave, en améliorant la rapidité de traitement de la vendange par un remplissage rapide du pressoir,
  • Clarifier suffisamment le moût pour prévenir l’extraction des phénols à partir des parties solides du raisin. Éventuellement en curatif, on peut réaliser un collage des jus de presse et/ou de goutte à l’aide de PVPP.

Il est à noter que le glutathion, un tripeptide, peut réagir avec les quinones pour former du GRP1 (Grape Reaction Product), soluble et incolore et préserver les thiols. Il existe des spécialités commerciales à base de levures inactivées, préparées à partir d’une souche sélectionnée pour produire et libérer une grande quantité de glutathion. L’apport de telles spécialités permet d’apporter indirectement du glutathion sur moût.

Comment gérer la fermentation alcoolique ?

  • Afin d’obtenir une faible production d’esters, il faut privilégier des levures neutres ou favorisant les caractères variétaux (buis, fruit de la passion),
  • Il faut rechercher un départ rapide en fermentation, ce qui n’est pas forcément compatible avec un moût pauvre en oxygène. Pour cela, il faut soigner le levurage ou utiliser des levains liquides (LSA cultivées dans un jus filtré et très aéré) ajouté à 3% au moût,
  • Il est nécessaire de fermenter à froid sans variation de température afin de conserver les arômes variétaux (10-15°C en fonction de la vitesse de fermentation souhaitée) et de limiter la production de H2S,
  • La fermentation doit être régulière et complète et surtout éviter les arrêts de FA par aération de la culture levurienne, ajout de nutriments et suivi régulier de la vitesse de fermentation.

Le principal risque est l’apparition de H2S. Ce risque est le plus souvent contrôlé par l’emploi d’azote en fermentation active, la micro-oxygénation ou l’utilisation du sulfate de cuivre.

Comment stabiliser le vin et le préparer à la mise en bouteille ?

  • Éliminer les levures le plus rapidement possible par soutirage puis sulfitage pour éviter la formation d’H2S,
  • Maintenir les vins au froid qui préserve les caractères variétaux et ralentit les réactions oxydatives (8-10°C),
  • Empêcher tout contact avec l’air sans modifier les teneurs en CO2. Il peut être intéressant d’utiliser de l’acide ascorbique après sulfitage jusqu’à 100 mg/l. Le vin doit être stocké dans des cuves pleines avec contrôle de l’O2 dissous et désoxygénation si nécessaire. Il faut rechercher avant mise des valeurs inférieures à 0,5 mg/l. Exclure l’air et vérifier l’absence de prise d’air lors de tous pompages (tuyaux, joints des tuyaux, soudures…),
  • Stabiliser le vin vis à vis de la casse protéique en employant la quantité minimale de bentonite nécessaire. Les techniques de stabilisation tartrique par le froid tendent à dissoudre une grande quantité d’oxygène,
  • Lors du tirage, privilégier des tireuses low vaccum, à contre pression ou la technique du jetting. Le remplissage doit se faire à faible turbulence. Choisir un bouchage adapté (le bouchage à vis semble être très intéressant) et minimiser la pénétration de l’air dans la bouteille et l’espace de tête (bouchage sous vide et/ou inertage de l’espace de tête après remplissage de la bouteille).