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Mutage des vins blancs doux

Le terme « vins blancs doux » désigne le vaste groupe des vins blancs contenant des sucres résiduels, dont la teneur en sucre peut varier de 4-5 à 100 voire 150 g/l.

Quel équilibre des vins doux ?

Il existe des différences considérables d’équilibre alcool/sucre/acidité entre les vins doux des différentes régions françaises. Les vins de Sauternes par exemple sont caractérisés par des acidités faibles, alors que ceux de Jurançon ou des Côtes de Gascogne par des acidités plus élevées. Pour une acidité donnée, on peut en décidant d’arrêter ou de muter la fermentation à un moment ou à un autre, jouer sur la composante alcool / sucre résiduel. A partir des mêmes raisins, il est alors possible d’élaborer des produits d’équilibre gustatif complètement différent.

Quand muter ?

La mesure au réfractomètre du degré potentiel du moût avant départ en fermentation permet de se fixer des objectifs et de décomposer le degré potentiel initial en degré acquis et en degré « non fermenté ». Par exemple un moût titrant à 18% potentiel peut être décomposé de plusieurs façons :

  • 12% acquis + 6% potentiel x 16.83 = 100 g/l de sucre résiduel
  • 13% acquis + 5% potentiel x 16.83 = 84 g/l de sucre résiduel
  • 14% acquis + 4% potentiel x 16.83 = 67 g/l de sucre résiduel

La table pour le mutage des vins doux proposée sur notre site permet d’approcher la masse volumique du moût en fermentation à laquelle doit être réalisé le mutage en fonction des objectifs d’alcool et de sucres résiduels désirés.

Il s’agit d’un outil d’aide à la décision et en aucun cas, elle ne pourrait remplacer complètement les analyses de référence (sucres et alcool).

Comment muter ?

La méthode la plus utilisée pour arrêter la fermentation est le mutage au SO2. L’objectif premier est de stopper la fermentation alcoolique, d’obtenir la stabilité microbiologique tout en limitant les apports de SO2 qui doivent être, suffisants pour éviter toute reprise de fermentation, mais pas excessifs afin de ne pas dépasser les teneurs autorisées. La pratique la plus utilisée consiste à freiner l’activité fermentaire par le froid, à éliminer la biomasse levurienne par soutirage et à apporter le SO2 sans fractionnement des apports (10-30 g/hl). On recherche après mutage des valeurs de SO2 libre de 40 à 60 mg/l selon le pH du vin . Des essais menés par l’IFV confirment l’intérêt d’un refroidissement avant mutage plutôt qu’un chauffage à 30°C pour la stabilité du vin et le maintien de ses qualités organoleptiques.

Quels sont les facteurs influençant le taux de combinaison du SO2 ?

  • Les moûts issus de raisins surmûris ou botrytisés possèdent, à la récolte, un pouvoir de combinaison du SO2 résultant du métabolisme des micro-organismes cohabitant avec Botrytis cinerea. Ce pouvoir combinant augmente avec l’évolution défavorable de Botrytis cinerea vers le stade pourriture grise
  • L’ajout de teneur importante en SO2 avant la fermentation risque de conduire à des teneurs en éthanal plus élevées, source de combinaison du SO2
  • La levure au cours de la phase fermentaire métabolise des molécules comme l’éthanal qui combinent le SO2. Un choix judicieux de la souche de levure (cinétique, production de molécules combinantes) peut permettre de limiter les quantités de SO2 total
  • L’apport d’azote ammonical ou de thiamine stimule la fermentation alcoolique au détriment de la fermentation glycéropyruvique et conduit à une moindre production d’acides cétoniques combinant le SO2
  • Le fractionnement des apports de SO2 au mutage contribue à augmenter le taux de combinaison
  • Le mutage sur lies augmente le pouvoir de combinaison des vins et la quantité de SO2 nécessaire pour les stabiliser.

Comment réaliser un test de combinaison et déterminer la dose de SO2 à ajouter ?

Il s’agit d’une méthodologie assez simple à mettre en place, mais qui demande un peu de matériel de laboratoire (tubes à essai, micro-pipette, matériel de dilution, matériel de dosage du SO2 libre et total). Il suffit d’ajouter à des échantillons du moût des doses croissantes de SO2. Plus le nombre d’échantillons sera grand, et plus la corrélation sera précise :

  • prélever 8 échantillons de moût dans des tubes à essais
  • y ajouter des doses croissantes de SO2 (0 g/hl ; 8 g/hl ; 10 g/hl ; 12 g/hl ; 15 g/hl ; 20 g/hl ; 25 g/hl ; 30 g/hl)
  • laisser les échantillons 1 heure à température ambiante
  • doser SO2 libre et SO2 total
  • représenter graphiquement le SO2 libre en fonction du SO2 total
  • réaliser une régression linéaire et en déduire l’équation de la droite de corrélation
  • à partir de cette droite en déduire la valeur de SO2 total nécessaire pour obtenir 40 mg/l de SO2 libre
  • quantité de SO2 à ajouter en mg/l = SO2 total ( calculé pour 40 mg/l SO2 libre) – SO2 total échantillon de départ

Quelles sont les alternatives chimiques au SO2 ?

  • L’acide sorbique peut être utilisé pour son activité anti-fongique. Incapable d’arrêter à lui-seul une fermentation, il est réservé à la conservation des vins à sucres résiduels
  • Le DMDC ou dicarbonate de diméthyl présente un pouvoir fongicide intéressant. Son usage est autorisé depuis peu avant la mise sur les vins présentant plus de 5 g/L de sucres résiduels. Son emploi nécessite du matériel adapté et onéreux (pompe doseuse).

Quelles sont les techniques physiques de mutage ?

  • La micro-filtration tangentielle est une technique qui permet de filtrer stérilement un vin très chargé en cours de fermentation. Le diamètre des pores étant de 0.2 µm, elle permet d’éliminer la totalité de la biomasse microbienne. Par rapport à un mutage traditionnel (froid + soutirage) l’économie en SO2 total est de 6% environ d’après les essais réalisés par l’IFV. Réalisée en prestation c’est une technique qui reste accessible (3-4 €/hl)
  • La flash pasteurisation consiste à élever la température du moût pendant une durée très courte (20 secondes) à environ 76°C, puis de redescendre à la température initiale très rapidement. Elle permet de débarrasser le moût de sa biomasse. Le moût pasteurisé, enrichi en colloïdes totaux est plus fermentescible, il faut ainsi veiller à conserver une hygiène rigoureuse. L’économie de SO2 réalisée peut atteindre 20 à 30%.

En résumé, quelles pratiques peuvent être conseillées ?

  • réaliser un suivi de la parcelle et de son état sanitaire
  • trier la vendange afin d’éliminer le « mauvais »pourri
  • limiter le sulfitage du moût lors des étapes préfermentaires
  • ne pas débourber trop sévèrement (sans enzyme)
  • choisir une levure adaptée
  • maîtriser la cinétique fermentaire et contrôler la température
  • freiner l’activité levurienne par le froid à l’approche de la densité de mutage souhaitée.
  • éliminer la biomasse (soutirage, filtration tangentielle ou flash-pasteurisation)
  • réaliser un test de combinaison
  • apporter la dose de SO2 nécessaire en une seule fois
  • maintenir lors de l’élevage un niveau de SO2 suffisant
  • conserver une hygiène rigoureuse afin d’éviter les recontaminations
  • éliminer les levures résiduelles par filtration stérilisante.