Identification des micro-organismes

Les jus de raisin et vins sont des milieux complexes où se cotoient et interagissent de nombreux microorganismes : moisissures, levures oxydatives, levures fermentaires, bactéries acétiques, bactéries lactiques…Que ce soit pour étudier l’écologie microbienne, pour contrôler les fermentations ou les ensemencements réalisés, prévenir ou expliquer les altérations, contrôler l’hygiène des matériels ou vérifier la conformité des préparations commercialisées, les acteurs de la filière ont besoin d’outils performants et rapides pour identifier, caractériser et détecter les microorganismes. A cet effet, un certain nombre de méthodes sont développées.

Les méthodes dites « classiques »

Ces méthodes accessibles à un très grand nombre de laboratoires, sont basées sur l’étude de la morphologie et du métabolisme des microorganismes. Ces méthodes consistent à observer la fermentation et l’assimilation de différents sucres et substrats carbonés, la production de toxines (facteur killer des levures par exemple) ou de produits secondaires, la résistance à divers antibiotiques ou molécules naturelles ou de synthèse, … Si l’intérêt de ces méthodes « classiques » n’est plus à démontrer, il est cependant amoindri par leur caractère souvent fastidieux et par leurs limites propres. Elles sont extrêmement dépendantes de l’état physiologique du microorganisme étudié et ne permettent que très rarement une détermination plus fine que celle du genre et de l’espèce.

Les levures marquées :
Quelques rares levures actuellement commercialisées ont été marquées de manière à obtenir une double antibio résistance. Cette technique permet, par simple culture sur un milieu spécifique contenant les deux antibiotiques, d’isoler et dénombrer la population de la souche concernée. Elle semble devoir être délaissée, le nombre restreint d’antibiotiques disponibles aurait de toute façon représenté une limite sérieuse à sa généralisation.

Les méthodes génétiques

Largement médiatisée par les problèmes des organismes génétiquement modifiés (OGM), le séquençage du génome humain et les affaires criminelles (test ADN), l’identification génétique doit être démystifiée. Ce type d’identification est largement utilisé par de nombreux organismes et laboratoires à travers le monde, et est développé par l’ITV France depuis 1990. Plusieurs techniques sont couramment utilisées en œnologie et appréciées pour leur rapidité, leur reproductibilité et leur fiabilité.

Analyse de l’ADN mitochondrial
C’est la plus ancienne des techniques d’identification génétique appliquées à l’œnologie. Elle consiste à extraire puis couper avec des enzymes de restriction l’ADN présent dans les mitochondries des levures. Celui-ci, extrêmement stable, est caractéristique d’une souche ou de sa descendance. Longue et coûteuse, cette technique n’est employée qu’en complément des autres méthodes décrites ici. Les bactéries n’ayant pas de mitochondries, cette technique n’est applicable qu’aux levures.

Electrophorèse en champs pulsés (ECP)
Cette technique, autrement appelée caryotype, consiste à séparer en fonction de leur taille les chromosomes du micoorganisme étudié en leur appliquant alternativement dans un gel d’électrophorèse des champs électriques transversaux et de directions opposées. Après révélation sous Ultra-violets par une substance fluorescente, les profils obtenus (cf photo 1) permettent de mettre en évidence des différences entres souches. Ce profil, stable dans le temps, étant caractéristique d’un individu donné (on estime que moins de 10 % des souches réputées différentes ont un même caryotype), permet une identification en moins de 72 heures. Cette technique, particulièrement adaptée à la caractérisation des levures appartenants aux espèces Saccharomyces cerevisiae, Kloeckera apiculata et Candida famata, peut être utilisée aussi bien au cours d’études taxonomiques ou écologiques, que pour des contrôles d’implantation ou de production.

Si le microorganisme à caractériser appartient à un genre levurien possédant peu de chromosomes de taille élevée ou est une bactérie, il convient d’utiliser une méthode dérivée de la précédente, la R-ECP, où l’on fait agir préalablement des enzymes coupant l’ADN en fragments plus facilement analysables.

PCR delta
Il s’agit d’une technique basée sur l’amplification par PCR (polymerase chain reaction) des régions du génome situées entre les éléments delta, portions d’ADN dispersées en nombre variable selon la souche de levure. Seul Saccharomyces cerevisiae possède ces éléments delta, aussi cette technique n’est elle appliquée qu’à cette espèce. On estime que 20 % des souches différentes par ECP ont le même profil PCR (cf photo 2). Plus rapide et moins coûteuse que l’ECP – les résultats peuvent être obtenus en 24 / 48 heures – cette méthode est utilisée notamment pour les contrôles de production et d’implantation, la sélection de souches et les études écologiques.

PCR ITS
Cette technique permet d’amplifier une partie de l’ADN ribosomique, la région ITS (Internal Transcribed Spacer) des levures, moisissures ou bactéries. Cette région étant théoriquement identique pour tous les individus d’une espèce donnée, mais différente d’une espèce à l’autre, elle est la base de nombreuses études taxonomiques (cf photo 3). Dans le cas des bactéries, on lui préfère parfois la PCR 16S qui vise une autre région de l’ADN ribosomique.

Autres méthodes

Depuis quelques années d’autres méthodes de caractérisation et d’identification génétique sont développées. N’étant pas encore appliquées en routine, leurs caractéristiques ne seront pas développées. Il existe enfin un certain nombre de technique visant à détecter la présence de certains organismes au moyen de sondes spécifiques. C’est le cas notamment pour Brettanomyces. Ces techniques d’identification et de caractérisation génétique sont extrêmement fiables quand elles mettent en évidence des différences. Par contre, une identité de profil génétique ne permet pas de conclure à une identité parfaite entre deux souches, mais UNIQUEMENT A UNE TRES FORTE PROBABILITE que ces souches soient réellement les mêmes. Chaque analyse supplémentaire, effectuée au moyen d’une autre des méthodes disponibles et livrant encore une fois des profils identiques, ne fera qu’augmenter de manière drastique cette probabilité.

On peut donc toujours conclure à une différence entre souches, jamais à une identité parfaite.

Par ailleurs, nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que, quelle que soit la technique utilisée, identité de profil génétique n’est pas nécessairement synonyme d’identité de comportement fermentaire.

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