Le Bois noir
Causé par le même type d’agent infectieux que la flavescence dorée, le bois noir présente également des symptômes identiques à cette dernière. En particulier, la maladie doit son nom aux difficultés d’aoûtement qu’elle provoque, causant le noircissement hivernal des bois sous l’effet du gel. A noter : on relève parfois des confusions sémantiques avec des affections dont les noms sont proches : le pied noir (« black foot ») et le black dead arm (« bras mort noir »), provoqués par des champignons.
Quels sont les dégâts et la nuisibilité du bois noir ?
Le bois noir est provoqué par un phytoplasme, petite bactérie sans paroi cellulaire de la classe des Mollicutes. C’est un parasite strict, et il a besoin pour vivre d’utiliser l’activité métabolique des cellules qu’il infecte. Il se développe dans les vaisseaux conducteurs du phloème, et provoque leur dépérissement. Il est transmis par un vecteur, une cicadelle nommée Hyalesthes obsoletus, dont les dégâts directs par piqûre des adultes sont négligeables.
Les symptômes observés sur les souches atteintes sont :
- un enroulement des feuilles vers la face inférieure, et un durcissement du limbe,
- une coloration (rougissement ou jaunissement des feuilles selon la couleur du cépage), parfois délimitée aux nervures primaires et secondaires (nécrose), et qui peut prendre un caractère sectoriel (délimitation de grandes plages par les nervures principales et secondaires),
- un dessèchement de la rafle depuis le point d’insertion : selon les cas, inflorescences avortées, baies flétries, irrégulières et amères,
- un défaut d’aoûtement des bois, qui peut concerner l’ensemble de la plante ou une partie, voire un seul rameau,
- l’intensité de l’expression des symptômes varie selon le cépage. Tous les cépages sont sensibles voire très sensibles (Gamay, Chardonnay, Marselan…), à l’exception de certaines variétés comme la Syrah, rarement observée symptomatique (comme pour la flavescence dorée).
Comment reconnaître le vecteur responsable du bois noir ?
Quelle est la biologie du phytoplasme responsable du bois noir ?
Le phytoplasme du Bois Noir est ubiquiste. Il infecte presque uniquement des plantes herbacées. Ses hôtes potentiels sont nombreux : liseron, ortie, morelle, tabac, lavande, armoise, séneçon, renoncule et beaucoup de solanacées (tomate, poivron, pomme de terre…). La cicadelle acquiert le phytoplasme par piqûre d’une plante déjà atteinte. Il se réfugie dans l’intestin de son hôte où il se reproduit, migre dans l’hémolymphe et dans les glandes salivaires, où la multiplication est très importante. Le phytoplasme n’est pas transmis à la descendance et l’infection de la vigne se fait au cours d’un vol.
Comment différencier bois noir et flavescence dorée ?
Seule un diagnostic moléculaire (analyse génétique par PCR) permet de différencier ces deux maladies puisque absolument aucune différence ne peut être observée au niveau des symptômes. La durée d’incubation de ces 2 maladies n’est pas précisément connue (entre 1 et 3 ans) ; l’apparition et l’intensité des symptômes dépendent avant tout de la sensibilité des cépages. Au niveau épidémiologique, en l’absence de traitement insecticide préventif, on peut assister, pour la flavescence dorée, à une explosion du nombre de ceps touchés (notion de foyer) contrairement au bois noir où, sauf cas particuliers parfois observés, les souches malades sont réparties de manière aléatoire dans la parcelle. Les autres différences de symptômes parfois évoqués entre les deux maladies (symptômes sur un bras ou sur tout le cep, durée d’incubation…) ne correspondent à aucune réalité observable sur le terrain en comparant symptômes et résultats d’analyse PCR.
La transmission du bois noir est-elle possible par le matériel végétal ?
Oui, comme dans le cas de la flavescence dorée, le phytoplasme peut effectivement être transmis par le biais de la multiplication végétative. Concrètement, si greffons ou porte-greffes sont prélevés sur une souche malade, les plants qui en seront issus sont susceptibles d’être porteurs du phytoplasme. Le traitement à l’eau chaude des bois et plants préconisé dans le cadre de la lutte contre la flavescence dorée est également efficace sur le bois noir (50°C pendant 40 minutes). Pour limiter les risques de dissémination, une surveillance annuelle des vignes mères de greffons est obligatoire, et toute souche malade doit être signalée auprès des services de contrôle avant destruction. Ceux-ci pourront entreprendre une recherche des plants issus de cette parcelle par greffage l’année précédente, et exiger préventivement leur traitement à l’eau chaude avant livraison aux viticulteurs. Dans le cas des porte-greffes, l’observation de symptômes en végétation est impossible (porteur sain). En cas de doute, une recherche du phytoplasme peut être exigée par l’administration. En pratique, les cas avérés de contamination par le matériel végétal sont extrêmement rares. Par contre, il a pu être observé épisodiquement des contaminations significatives de jeunes parcelles à partir de fortes invasions de liserons les premières années de plantation.
Quelles méthodes de lutte contre le bois noir ?
L’absence de cycle reproductif du vecteur sur vigne, le caractère accidentel et fugace de sa présence, et l’impossibilité d’y acquérir le phytoplasme rendent inutile toute lutte insecticide. La meilleure prévention consiste à éliminer les plantes réservoirs aux abords des parcelles, principalement liserons et orties. La transmission par greffage ou par multiplication de bois infecté est aussi une voie possible de dissémination de la maladie. Contrairement à la flavescence dorée, il n’existe pas de lutte obligatoire, sauf si l’arrêté préfectoral organise conjointement la lutte contre la flavescence dorée et le bois noir (arrachage). L’habitat principal de Hyalesthes obsoletus se situe dans les parcelles non cultivées laissées à l’abandon, les zones rudérales, les friches de bordure mais également sur les couverts herbeux des cultures arboricoles fruitières et sur les adventices à l’intérieur des vignes. Compte tenu de l’habitat diversifié de Hyalesthes obsoletus, la lutte insecticide n’est pas envisageable. La seule mesure préconisée est préventive et consiste à éliminer les plantes hôtes (liseron, passerage, ortie…). Il est à noter que de fortes infestations ont été parfois constatées (jusqu’à 50 % des souches !) sur des vignes adultes dont l’inter-rang ou les abords étaient envahis de liserons ou d’orties.