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Xylella

La persistance des pétioles donnent aux rameaux une forme d’arête de poisson. Photo : J. Clark, University of California, Berkeley.

Identifiée pour la première fois en Europe en 2013, la bactérie Xylella fastidiosa est une priorité phytosanitaire majeure pour l’Union Européenne et un sujet de préoccupation pour de nombreux pays, en particulier la France. Transmise par des insectes qui se nourrissent de la sève brute des plantes, cette bactérie s’attaque à de très nombreux végétaux, dont la vigne, et peut conduire à leur dépérissement voire à leur mort. François-Michel Bernard, de l’IFV Beaune, référent national de Xylella fastidiosa pour la filière vigne, fait le point sur cet organisme de quarantaine émergent en Europe.

 

Pouvez-vous nous dire ce qu’est Xylella fastidiosa ?
Francois-Michel Bernard : Xylella fastidiosa est une bactérie colonisant le xylème de nombreuses plantes. Elle se propage par le biais d’insectes piqueurs-suceurs, pour la plupart polyphages, qui se nourrissent de sève brute en piquant le xylème des végétaux. Une fois infectés sur une plante porteuse de la bactérie, ces derniers peuvent potentiellement véhiculer la bactérie vers une nouvelle plante hôte. On dénombre actuellement près de 600 espèces végétales connues pour être des hôtes de la bactérie. Pour plus de 200 espèces végétales, la contamination par cette bactérie constitue un danger mortel. Les autres hôtes peuvent héberger Xylella fastidiosa sans présenter de symptômes, constituant ainsi un réservoir bactérien « invisible », ce qui pose un problème majeur pour repérer les plantes infectées et éradiquer des foyers.

La vigne fait-elle partie des espèces hôtes ?
Francois-Michel Bernard : A ce jour, 3 sous-espèces principales de Xylella fastidiosa sont présentes en Europe : multiplexpaucafastidiosa. Chaque sous-espèce peut infecter une gamme d’hôtes plus ou moins étendue et spécifique. La vigne est concernée par la sous-espèce X. fastidiosa fastidiosa, responsable de la Maladie de Pierce. Cette maladie a été décrite pour la première fois sur vigne, aux Etats-Unis, en 1892, par Newton Pierce et a connu plusieurs vagues épidémiques dont la plus violente s’est déclarée dans les années 1990, en Californie, où la maladie sévit toujours. Les vignobles du Texas et de Floride sont également concernés par la maladie. Les coûts engendrés par Xylella fastidiosa sont estimés à plus de 100 millions de dollars par an pour la filière viti-vinicole nord-américaine.

Quels végétaux sont menacés par ces trois sous-espèces en Europe ?
Francois-Michel Bernard : Depuis 2013, la présence de la bactérie Xylella fastidiosa est avérée in natura en Europe. Les premiers foyers ont été découverts sur des oliviers en Italie du Sud, dans la région des Pouilles, avec l’identification de la sous-espèce X. fastidiosa pauca, responsable du dessèchement rapide de l’olivier qui a rapidement entraîné la mort de plus d’un million d’oliviers.
Depuis, la sous-espèce responsable de la maladie de Pierce sur vigne aux Etats-Unis (X. fastidiosa subsp. fastidiosa) a été découverte sur laurier-rose en Saxe, en Allemagne, où elle a depuis été éradiquée. Elle a également été observée en Espagne dans les îles Baléares, sur Prunus sp. et sur vigne. Des parcelles d’amandiers infectées par une autre sous-espèce, X. fastidiosa subsp. Multiplex, ont également été découvertes sur la partie continentale de l’Espagne, dans les généralités de Valence et de Madrid, puis en Italie, en Toscane. D’autres espèces végétales, fréquemment rencontrées sur le pourtour méditerranéen sont aussi retrouvées contaminées. Cette même sous-espèce multiplex a été identifiée dans le nord du Portugal, non loin de la région du Douro et en périphérie de Porto.

Quelle est la situation en France ?
Francois-Michel Bernard : A ce jour, la bactérie est présente dans 3 régions françaises : Corse, Provence Alpes Côte d’Azur et Occitanie.
La sous-espèce observée en Corse est X. fastidiosa multiplex. Elle est donc différente de la sous-espèce observée dans la région des Pouilles (X. fastidiosa pauca). Elle s’attaque à certaines espèces ornementales, notamment le polygale à feuilles de myrte, largement répandu en Europe, mais aussi à des espèces sauvages ou endémiques comme le genêt d’Espagne, le ciste de Montpellier, l’asperge sauvage, le calicotome velu ou encore l’immortelle de Corse.
En PACA, on retrouve essentiellement la sous-espèce multiplex. Seuls deux oliviers de Provence ont été découverts en 2019 contaminés par la sous-espèce pauca de la bactérie, comme dans le sud de l’Italie. Cela confirme la difficulté à repérer les végétaux atteints, à circonscrire l’expansion de la bactérie et souligne l’importance d’anticiper toute introduction de la bactérie et de ses vecteurs potentiels, notamment pour la sous-espèce fastidiosa, responsable de la maladie de Pierce sur vigne.
Enfin, en Occitanie, la bactérie Xylella fastidiosa a été détectée, en 2020 non loin de Carcassonne, dans un établissement de production et de revente aux particuliers de végétaux d’ornements. La contamination a été identifiée sur un échantillon de lavandin (Lavandula x intermedia, variété « Grosso ») dans le cadre d’une inspection de routine réalisée par les services régionaux de la protection des végétaux du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Depuis, les inspections sanitaires menées dans cette région ont permis de révéler sa présence sur d’autres espèces végétales, dont certaines peuvent être ornementales ou présentes à l’état sauvage, comme le faux-genêt d’Espagne. C’est d’ailleurs sur cette espèce qu’un nouveau foyer a été confirmé début 2022 à Tavel. Là encore, c’est la sous espèce multiplex de la bactérie qui a été retrouvée.

Existent-ils des moyens de lutte contre cette bactérie ?
Francois-Michel Bernard : C’est une bactérie qui s’attaque à un très large spectre de végétaux, transmise par des insectes piqueurs-suceurs du xylème ou par déplacement ou multiplication de plantes infectées.
A ce jour, il n’existe aucun moyen curatif efficace contre Xylella fastidiosa. La seule exception concerne le matériel végétal vigne : en effet, le traitement à l’eau chaude, selon les mêmes modalités que celles préconisées pour éradiquer le phytoplasme de la flavescence dorée (bain d’eau chaude à 50°C pendant 45 minutes), permet d’éradiquer la bactérie éventuellement présente dans les vaisseaux du xylème et d’obtenir ainsi des plants de vigne exempts de Xylella fastidiosa. Hormis cette exception notable, les seuls moyens de lutte reposent donc sur la détection des symptômes, le plus précocement possible.
Or, même lorsque les espèces végétales contaminées par la bactérie présentent des symptômes, ceux-ci sont très souvent peu spécifiques (flétrissements, décolorations, brûlures foliaires, …) ce qui rend sa détection particulièrement difficile. On comprend en effet qu’il est possible de penser que des plantes présentant de tels symptômes (des brûlures foliaires par exemple) sont a priori symptomatiques alors qu’elles sont saines.
A l’inverse, des plantes sans aucun symptôme peuvent être contaminées. Il est donc indispensable de prélever des échantillons sur les espèces végétales hôtes, symptomatiques ou non, puis de les analyser pour déterminer s’ils sont infectés par Xylella fastidiosa. Aujourd’hui, quand la bactérie est détectée, une zone délimitée est mise en place dans laquelle des prélèvements sont effectués sur l’ensemble des végétaux. Ceux qui sont contaminés sont arrachés et détruits.
Dans le cadre de la plate-forme d’Epidémiosurveillance en Santé Végétale, un groupe de travail spécifique à Xylella fastidiosa, auquel l’IFV participe depuis 2015, a été créé. Il associe l’ensemble des acteurs impliqués dans la surveillance de Xylella fastidiosa (professionnels, scientifiques et administration), pour apporter un appui au gestionnaire de risque (ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation / DGAL) et optimiser la surveillance qui concerne un grand nombre d’espèces végétales cultivées et sauvages, ainsi que des insectes vecteurs.

Propos recueillis par Régis Cailleau (IFV)

Pour en savoir plus

Plate-forme d’Epidémiosurveillance en Santé Végétale Cliquez

Dossier spécial
Retrouvez dans ce dossier du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation tous les éléments à connaître sur Xylella fastidiosa. Voir