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Face aux nombreuses initiatives de réduction des sulfites dans les vins, un projet de recherche CASDAR « Vins sans sulfites » piloté par l’IFV a débuté en 2020, en collaboration avec l’ESA d’Angers, le Centre du Rosé de Vidauban, et la SICAREX Beaujolais de Villefranche-sur-Saône. Les objectifs principaux de ce projet étaient de co-construire de nouveaux itinéraires d’élaboration de vins sans sulfites dans différents bassins (Alsace, Beaujolais, Bordeaux, Languedoc, Provence et Touraine), pour ensuite les réaliser sur deux millésimes dans chaque région avec des caves partenaires motivées.

Evaluer l’acceptabilité des vins sans sulfites ajoutés par des professionnels et des consommateurs français

Dans le cadre du projet CASDAR « Vins sans sulfites » piloté par l’IFV à partir de 2020, l’acceptabilité des professionnels et des consommateurs français a été évaluée en les interrogeant sur leurs représentations, leurs motivations ainsi que leurs perceptions des vins sans sulfites ajoutés. Pour démarrer, un état des lieux du marché français a été entrepris via une collecte d’échantillons afin de comprendre comment l’information « sans sulfites » était véhiculée auprès des consommateurs. Puis, une étude autour des représentations des professionnels et des consommateurs a été conduite afin de déterminer leurs attitudes face à ces vins, et d’évaluer si le niveau d’expertise et de familiarité avec ces vins avait un impact sur leurs attitudes. Par la suite, nous avons interrogé spécifiquement un panel de consommateurs de vins représentatif afin de connaître leurs motivations à consommer ou ne pas consommer ces vins et les corrélations possibles avec leurs préoccupations vis-à-vis de leur santé, de l’environnement, de leurs styles et niveaux de vie, de leur niveau d’expertise et d’implication avec ces vins. Pour finir, une dernière étude a concerné la dégustation de vins sans sulfites ajoutés de deux bassins (Bordeaux et Touraine) afin d’évaluer l’appréciation globale de différents panels de consommateurs recrutés à Angers, Marseille et Villefranche-sur-Saône en juin dernier. Cette dégustation avait pour autres objectifs de tester l’impact de l’information « sans sulfites ajoutés » sur l’appréciation des consommateurs ainsi que de mesurer leurs réactions face à un défaut avéré d’un point de vue des professionnels. La dégustation de ces vins a également été proposée aux professionnels de Bordeaux et de Touraine en suivant le même protocole afin de comparer leurs jugements à celles des consommateurs sous l’angle de la qualité des vins.

Une représentation positive des consommateurs, contrastée avec celle des professionnels

Que vient spontanément à l’esprit des professionnels et des consommateurs français lorsqu’on leur dit « Vin sans sulfites ajoutés » ? C’est tout le travail qui a été engagé en 2021 et 2022 auprès de 319 consommateurs représentatifs des consommateurs de vin en France et 540 professionnels en activité de toute la France via les réseaux de l’UOEF, l’IFV, le Centre du Rosé et divers ODG, syndicats et interprofessions. L’objectif était de connaître les principales évocations qui sont consensuellement associées à ces vins. Sous le format d’une enquête en ligne, les principaux résultats ont montré que les consommateurs ont une représentation positive des vins sans sulfites ajoutés centrés sur le triptyque « naturel », « sain », et « bio », quel que soit leur niveau de familiarité avec les vins sans sulfites ajoutés. En revanche, les professionnels ont une représentation plus négative centrée sur les défauts qui varient d’un professionnel à l’autre en fonction de leur niveau de familiarité avec ces vins : ceux qui produisent ou vendent des vins sans sulfites ajoutés ont une représentation plus positive centrée sur les vins natures, avec une notion de défaut associée qui n’est pas au cœur de leur représentation. En d’autres termes, les professionnels divergent dans leurs représentations par une association des défauts qui ne se situe pas au même niveau, et pose ainsi la question du degré de tolérance et de rejet de cette composante clé de l’expertise dans l’évaluation de la qualité des vins.

Vins sans sulfite ajoutés

319 consommateurs et 540 professionnels en activités ont été interrogés pour connaitre les principales évocations qui sont consensuellement associées aux “vins sans sulfites ajoutés”.

Des motivations à consommer convergeant vers des préoccupations pour la santé et l’environnement

En 2023, les travaux se sont concentrés sur les consommateurs afin de comprendre leurs attitudes face aux vins sans sulfites ajoutés et de caractériser les différents profils pouvant exister. Une première approche qualitative par la réalisation de tables rondes de discussion auprès de 86 consommateurs de vins répartis dans trois villes (Angers, Marseille et Lyon) a permis de faire émerger quelques pistes sur leur acceptabilité des vins. Une première dégustation de trois vins à l’aveugle, sans information que l’un d’entre eux présentait un défaut, a permis d’identifier une appréciation moyenne de l’ensemble des vins dégustés. Des questions autour de leurs critères d’achat de vins ont permis de mettre en avant l’importance relative de l’allégation « sans sulfites ajoutés ». Une partie abordant les vins biologiques, biodynamiques, sans sulfites et natures a montré des définitions très similaires laissant penser que les frontières sont floues entre ces certifications, labels et mention dans leurs esprits. La dernière partie consacrée à imaginer les motivations et non motivations des consommateurs vis-à-vis des vins sans sulfites ajoutés a permis de constater que les profils et motivations probables se tournaient vers des bénéfices santé et environnementaux de jeunes consommatrices sensibles à ces préoccupations avec un profil principalement urbain, étant de catégories socio-professionnelles élevées avec de bons revenus, un style de vie porté sur le bien-être, la pratique d’un sport et la recherche de produits naturels. De ces résultats émergeants, une enquête en ligne a été construite afin de valider les motivations et non motivations à consommer des vins sans sulfites ajoutés imaginées par ces consommateurs, et de caractériser les profils associés. Cette enquête a été diffusée en décembre 2023 auprès de 1167 consommateurs français. Les principaux résultats confirment une surreprésentation des femmes pour les consommateurs de vins sans sulfites. Ce sont également des consommateurs avec un degré d’implication dans le vin plus élevé. Par ailleurs, les consommateurs de vins sans sulfites ajoutés ont des motivations principales portant sur la santé, les préoccupations environnementales et le goût alors que les non-consommateurs de vins sans sulfites ajoutés sont des personnes plus âgées, sans distinction de genre, avec des démotivations portant sur l’effet de mode, le prix élevé, le manque de connaissance sur ce type de vins et lieux d’achat, et le goût décrit comme particulier ou pas bon.

Avec ou sans information : un jugement professionnel sans détours sur les défauts face à une acceptabilité générale des consommateurs

La dernière étude de ce projet a été menée en juin 2024 par la conduite de tests consommateurs sur trois villes : Marseille, Angers, et Villefranche-sur-Saône. Un total de 551 consommateurs de vins a dégusté soit 3 Touraine Sauvignon, soit 3 Bordeaux rouges tous sans sulfites ajoutés. La moitié d’entre eux était informée de l’origine du vin (Touraine Sauvignon / Bordeaux rouge) et de l’absence de sulfites ajoutés quand l’autre moitié n’avait que l’origine et aucune référence aux sulfites. Ces tests visaient à déterminer leur niveau d’appréciation des trois vins présentés, et l’effet de l’information « sans sulfites ajoutés » sur cette appréciation. Pour chaque matrice, un vin (ou deux) avait été sélectionné spécialement pour la présence de défauts, oxydé pour un vin blanc, et phénolé pour un vin rouge, afin de tester également les réactions des consommateurs face à des défauts avérés du point de vue des professionnels. La même dégustation a été conduite sur la même période auprès des professionnels de vin de Bordeaux et de Touraine afin d’avoir une comparaison directe sur les mêmes vins et l’effet de l’information en fonction de l’expertise. Les principaux résultats montrent que, contre-intuitivement, l’information sans sulfites n’a pas d’impact sur la notation d’appréciation des vins pour les consommateurs. De plus, les vins présentant des défauts ne sont pas rejetés par les consommateurs (note d’appréciation moyenne). Parfois ils sont un peu moins appréciés mais pas toujours. Du côté des professionnels, en revanche, les vins avec défauts sont très nettement sanctionnés, moins appréciés. Le fait de savoir que ce sont des vins sans sulfites ajoutés a également un léger impact sur leur appréciation. Les vins sans défaut sont jugés un peu plus sévèrement quand les dégustateurs ont eu l’information « sans sulfites ajoutés » en amont de la dégustation.

3 Touraine Sauvignon, soit 3 Bordeaux rouges tous sans sulfites ajoutés ont été soumis à la dégustation par 551 consommateurs. Un vin avait été sélectionné spécialement pour la présence de défauts, oxydé pour un vin blanc, et phénolé pour un vin rouge.

Contact
Carole Honoré-Chedozeau
IFV Pôle Bourgogne Beaujolais Jura Savoie