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L’indexage constitue la méthode de référence pour la détection des maladies virales chez la vigne. Elle fait partie intégrale du Règlement technique d’agrément des clones approuvé par la section vigne du CTPS. Il s’agit d’une méthode biologique et non spécifique qui permet de détecter la présence des virus indépendamment du sérotype présent dans la plante testée. Au Centre de Sélection de la vigne de l’IFV, l’indexage est utilisé comme technique complémentaire aux techniques de laboratoire que sont les analyses ELISA et PCR.

La technique consiste à observer l’apparition de symptômes caractéristiques d’une virose précise après le greffage d’une accession à tester sur une variété indicatrice. Une variété indicatrice (ou indicateur) est une variété choisie pour sa capacité à exprimer les symptômes typiques d’une maladie. Il existe deux types d’indexage :

  • Ligneux : greffage en oméga ou greffage en « Chip-Bud » sur des plantes ligneuses
  • Herbacé : le greffage est réalisé sur des plantes non lignifiées.

Indexage par greffage ligneux

La collecte des bois aoûtés des souches à tester d’une part, et des variétés indicatrices d’autre part, est réalisée au cours de l’hiver. Environ 10 greffons ou bourgeons de la souche à tester sont ensuite greffés sur l’indicateur approprié.

Figure 1 : greffage ligneux

Après stratification, les plantes greffées (environ 10 par test) sont implantées dans une pépinière spécifique au printemps. Si un virus est présent dans la souche testée, il passera dans l’indicateur après l’établissement des nouvelles jonctions vasculaires. Les rameaux des souches à tester sont retirés environ un mois après l’implantation en pépinière pour faciliter le développement des bourgeons de la variété indicatrice et permettre l’observation des symptômes foliaires.

Figure 2 : transmission du virus dans la variété indicatrice et photo de pépinière d’indexage

Les symptômes sont alors observables en pépinière sur les feuilles des indicateurs pendant 2 à 3 ans

  • 3 observations réalisées en automne pour l’Enroulement
  • 2 observations réalisées au printemps pour la Marbrure (Fleck) et pour le Court-Noué.
Indexage par greffage herbacé

Les bois aoûtés des souches à tester et des variétés indicatrices sont récoltés en hiver. Après bouturage, les plantes sont cultivées dans une serre chauffée. Lorsque les plantes sont bien développées, le greffage herbacé peut être réalisé généralement au printemps et en début d’été.

Figure 3 : variétés indicatrices et boutures des souches à tester

Pour l’indexage herbacé, il est nécessaire d’avoir du matériel de culture au même stade de développement : les rameaux herbacés de la souche à tester et ceux de la variété indicatrice doivent être de même diamètre. Lorsque c’est le cas, 10 rameaux herbacés de l’accession à tester sont greffés sur les tiges herbacées des indicateurs à l’aide d’une machine spécifique qui réalise un greffage en fente. Le greffon est ensuite maintenu en place grâce à une bande adhésive puis les plantes ainsi greffées sont placées en chambre climatique afin de réaliser l’établissement des nouvelles jonctions vasculaires entre la souche à tester et l’indicateur.

Figure 4 : indexage herbacé

Au bout d’un mois environ, les plantes sont placées et maintenues dans une serre en conditions contrôlées (lumière et température). Les rameaux des souches à tester sont souvent éliminés pour favoriser la croissance des rameaux de l’indicateur.
En fonction des virus recherchés, les symptômes sont observés après 4, 8, 12 ou 18 mois. A partir de 4 mois pour certaines viroses, les symptômes peuvent être visualisés en serre sur les jeunes plantes herbacées. Si plus de temps est nécessaire, les plantes sont transplantées dans une autre serre ou sous tunnel pour permettre leur lignification. Les symptômes sont alors observés 8 à 18 mois après le greffage herbacé.

Figure 5 : plants herbacés sur tablard et plants transplantés sous tunnel

Pour valider les résultats des tests, certaines conditions sont nécessaires :

– au moins 3 plants par lot greffé doivent être observables
– les contrôles positifs (présence de symptômes) et négatifs (absence de symptômes) doivent être conforme aux attentes.

Les contrôles positifs sont des souches connues infectées par le virus recherché et greffées sur la variété indicatrice et les contrôles négatifs sont des souches connues saines greffées également sur la variété indicatrice.

Indexage des principaux virus réglementés

Les principaux virus recherchés par indexage sont les virus impliqués dans le Court-Noué et l’Enroulement. La marbrure (Fleck) est également incluse pour la certification des porte-greffes. La période d’observation des symptômes dépend des virus :
– Court-Noué et Marbrure : printemps
– Enroulement : de la fin de l’été jusqu’en milieu d’automne


Figure 6 : principaux virus réglementés et variétés indicatrices utilisées

Indexage spécifique des virus secondaires

Quelques autres virus secondaires peuvent être inclus en fonction de la réglementation du pays concerné. En général, cela inclut les virus impliqués dans le complexe du bois strié (GRSPaV, GVA, GVB) et la détection du « LN33 stem grooving (LNSG) », de la nécrose des nervures «Vein necrosis (GVN)» et de la mosaïque des nervures « Vein Mosaïc (GVM) »

Figure 7 : virus secondaires et variétés indicatrices utilisées

Le délai entre le greffage et l’observation des symptômes est variable et dépend du virus considéré.

Exemple de symptômes sur indicateurs :

Le cas du court-noué

Sur la variété indicatrice Vitis Rupestris, les symptômes se caractérisent par :
– une déformation des feuilles qui deviennent asymétriques,
– limbe incurvé (en forme de cuillère),
– forme buissonnante du feuillage et parfois jaunissement,- développement végétatif réduit des plants.

Figure 8 : symptômes de court-noué sur Rupestris du Lot

 

Symptômes de court-noué observables au vignoble

Au vignoble, sur les variétés traditionnelles (non utilisées dans le cas de l’indexage), les principales manifestations du court-noué sont les suivantes :
– Au niveau d’une souche : affaiblissement progressif qui peut conduire à sa mort. Au printemps, la végétation est languissante, retardée, rabougrie et le port est buissonnant.
– Sur rameaux : aplatissements et divisions anormales au niveau des nœuds ou des mérithalles (fasciations, « balais de sorcière »), raccourcissement des entre-nœuds, croissance en « zigzag », disposition anarchique des vrilles, départ de nombreux bourgeons secondaires, double-nœuds…
– Sur feuilles : déformations parfois spectaculaires, anomalies des nervures (dédoublées, absentes, anarchiques…), jaunissements (couleur citron au printemps, évoluant vers le blanc en été), panachures réticulées ou diffuses du feuillage…
– Sur inflorescences et grappes : troubles de la fécondité (coulure, millerandage), hétérogénéités de maturité, pertes de rendement et de qualité…
Le type, la répartition et la sévérité des symptômes de court-noué sont extrêmement variables. Ils dépendent de plusieurs facteurs parmi lesquels : la sensibilité variétale très importante, l’espèce et/ou la souche de népovirus impliquée, et l’éventuelle combinaison avec d’autres virus (synergie), l’âge des souches, associé probablement à l’époque de l’infection, les conditions extérieures, en relation avec les stress, les maladies, la période de l’année et probablement d’autres facteurs en relation notamment avec la vigueur des souches…

Figure 9 :Vue d’ensemble d’une parcelle atteinte par le court-noué

 

Pour en savoir plus : 
Fiche pratique sur le court-noué

Article scientifique : Expression des symptômes de la virose du court-noué

Le cas de l’enroulement

Absence de symptômes au printemps, ceux-ci sont observables seulement en fin d’été et automne (les conditions optimales sont 14°C la nuit et 26°C le jour) :
– enroulement des feuilles à partir de la base du rameau vers le haut de la souche,
– coloration du limbe (rougissement sur cépages rouges et jaunissement sur cépages blancs) avec une progression de la périphérie vers le centre des feuilles,
– les nervures principales restent vertes.

 Figure 10 : symptômes d’enroulement sur différents indicateurs      

Des cépages rouges sont utilisés en tant que variétés indicatrices car il est plus facile de visualiser les symptômes sur ceux-ci par rapport aux cépages blancs. A noter que les variétés de porte-greffe n’expriment que rarement les symptômes typiques de l’enroulement.

Symptômes d’enroulement observables au vignoble

Au vignoble, sur les variétés traditionnelles, les principales manifestations de l’enroulement sont identiques à celles observées en indexage. Sur cépages rouges, des taches rouges apparaissent dès les mois d’été, sur les feuilles de la partie inférieure des rameaux. Ce rougissement s’étend progressivement à l’ensemble du limbe. La zone autour des nervures, primaires et secondaires reste épargnée, le limbe s’épaissit et s’enroule vers le bas. A l’automne, les feuilles atteintes peuvent brunir et présenter une nécrose de l’épiderme supérieur. Les cépages blancs sont atteints d’un jaunissement plus difficile à diagnostiquer.
Au niveau de la production, les conséquences peuvent être plus ou moins marquées : taille et nombre de grappes réduits, réduction de la concentration en sucre des baies, baisse du contenu en anthocyanes et polyphénols, augmentation de l’acidité et baisse du pH du moût.
Comme pour beaucoup de viroses, l’intensité des symptômes peut varier en fonction des cépages, du millésime, et de la forme d’enroulement présente.

 

Figure 11 : symptômes d’enroulement sur souches adultes

Pour en savoir plus : Fiche Enroulement viral de la vigne

Le cas de la marbrure

Sur la variété indicatrice Vitis Rupestris, les symptômes se caractérisent par :
– une décoloration localisée au niveau des nervures secondaires des jeunes feuilles,
– présence de mosaïque et limbe replié vers le haut sur feuilles adultes,
– développement végétatif réduit des plants.

Figure 12 : symptômes de marbrure sur Rupestris du Lot

Au vignoble, sur les variétés traditionnelles (non utilisées dans le cas de l’indexage), les symptômes sont diffus mais peuvent apparaitre dans certains cas. Dans les formes sévères de la maladie, la marbrure peut entrainer les conséquences agronomiques suivantes :
– mauvaise jonction entre greffon et porte-greffe après greffage, 
– capacité d’enracinement réduite des plants,
– retard de croissance,
 – en cas d’association avec d’autres virus, il pourrait également y avoir une baisse de qualité de la récolte mais peu d’informations sont disponibles à ce jour sur cette incidence.

Le complexe du bois strié
Le “bois strié” regroupe quatre maladies identifiées d’après les symptômes induits sur différents indicateurs : cannelures sur Rupestris (Rupestris Stem Pitting ou RSP),  cannelures sur 5BB (Kober 5BB ou KSG), cannelures sur LN 33 et écorce liégeuse.

Le cas des cannelures

 Symptômes de cannelures sur Rupestris (Rupestris Stem Pitting) :
– l’écorce est retirée 3 ans après la plantation de la pépinière dédiée pour observer les symptômes typiques en automne,
– apparition de striures/cannelures et ponctuations sur la tige du V. rupestris.

 Symptômes de cannelures sur Kober 5BB (Kober Stem Grooving) :
– l’observation est effectuée en automne 18 mois après le greffage herbacé,
– une coupe transversale du porte-greffe est réalisée et observée sous une loupe binoculaire pour détecter les invaginations typiques du bois.

Figure 13 : symptômes de cannelures de Rupestris Stem Pitting et Kober Stem Grooving

 Le cas de l’écorce liégeuse

 Sur la variété indicatrice LN 33 (hybride), les symptômes se caractérisent par :
 – des fissures longitudinales de l’écorce,
– un gonflement des rameaux, 
– une déformation des feuilles.

 Figure 14 : symptômes de l’écorce liégeuse sur LN 33

 Au vignoble, sur les variétés traditionnelles, les maladies du complexe du bois strié peuvent faire apparaitre des symptômes dans la zone de greffe :
– diamètres du porte-greffe et greffon différents, ce dernier étant souvent supérieur (symptôme non spécifique du complexe),
– les cannelures peuvent être présentes soit sur le porte-greffe (le plus souvent), soit sur le greffon soit sur les deux.

Figure 15 : symptômes de cannelures sur vigne adulte

 L’expression des symptômes dépend à la fois du greffon, du porte-greffe et de leur combinaison. Les stress abiotiques comme un sol inadapté ou des températures élevées peuvent favoriser l’apparition de ces symptômes. Dans la plupart des cas, les conséquences agronomiques du complexe du bois strié sont peu importantes. Toutefois, il a été constaté dans des conditions extrêmes (mais pas en France) :
 – un retard au débourrement, 
– une baisse de rendement (grappes plus petites), 
– une diminution de la qualité de la récolte, 
– une production de bois moins importante, 
– une réduction de la durée de vie du vignoble.

La technique d’indexage, en tant que méthode biologique, présente plusieurs avantages. Elle permet de détecter la présence de virus capables d’induire des symptômes sur variétés indicatrices, elle est non spécifique donc possède un large spectre de détection (exemple avec l’Enroulement : les indicateurs expriment des symptômes vis-à-vis des différents virus impliqués dans cette maladie). De plus, elle ne nécessite pas l’utilisation de méthode sophistiquée ni d’infrastructure type laboratoire dédié à cette activité.

L’indexage possède néanmoins quelques inconvénients parmi lesquels : i) l’expression des symptômes qui dépend des conditions environnementales, ii) pas de détection possible pour certains virus hypo virulents (incapables d’induire des symptômes), iii) temps nécessaire pour obtenir les résultats assez long (quelques mois à plusieurs années), iv) nécessite de la place, beaucoup de travail et d’entretien au niveau de la pépinière dédiée pour l’indexage ligneux,  ainsi que serre et ombrière pour l’indexage herbacé.

Article rédigé par Christophe Séréno du Pôle Matériel végétal de l’IFV

Pour en savoir plus

Les virus de la vigne
Ce premier numéro de la Collection Les Essentiels, consacré aux viroses de la vigne, définit ce que sont les viroses et les conséquences de ces maladies virales sur la vigne. Ce document explique pourquoi et comment les détecter, les méthodes de luttes à mettre en œuvre au vignoble pour s’en protéger et fait un point sur les nouvelles perspectives de recherche.

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