Le désherbage mécanique du cavaillon n’est pas une simple substitution de technique. Il s’agit de connaître l’offre matérielle disponible, de se projeter dans l’élaboration d’une stratégie de gestion de la flore adventice, de réorganiser la gestion de la main d’œuvre mais aussi d’avoir une approche plus technique, pour maîtriser les réglages, et plus agronomique pour éviter les impacts indésirables sur la production.
Le désherbage chimique total n’est plus la règle depuis longtemps dans la majorité des vignobles français (enquête pratiques culturales, Agreste, 2010). Principalement appliqué sur le cavaillon, soit sur 30 à 50 % de la surface des parcelles viticoles, il est aujourd’hui remis en question par la sortie programmée du glyphosate, composante principale des stratégies de désherbage chimique, en association avec des molécules de prélevée. Le désherbage mécanique est une des alternatives les plus crédibles car il est efficace lorsqu’il est bien maîtrisé. C’est généralement la technique retenue en agriculture biologique. Les constructeurs de matériel proposent depuis des années des solutions adaptées à presque tous les vignobles. Il pose cependant un certain nombre de défis, techniques et économiques, surtout quand on aborde le désherbage du cavaillon, zone sensible puisqu’il faut désherber près des souches sans les abîmer. Les viticulteurs sont ainsi confrontés au choix des outils, à l’élaboration d’une stratégie prenant en compte les déplacements de terre, à l’éventuelle remise en état du vignoble pour faciliter le passage des outils, au défi du réglage, parfois complexe, et à la nécessité permanente d’anticiper au maximum les interventions pour ne pas se laisser dépasser par les adventices. La maîtrise technique de l’opération est la clé pour atténuer l’impact économique dans la mesure où les rendements peuvent être affectés par un mauvais désherbage ou des blessures sur souche. Le désherbage mécanique du cavaillon n’est donc pas une simple substitution de technique. Il s’agit de connaître l’offre matérielle disponible, de se projeter dans l’usage, c’est-à-dire dans l’élaboration d’une stratégie de gestion de la flore adventice, de réorganiser la gestion de la main d’œuvre pour prendre en compte des temps de travaux supérieurs, mais aussi d’avoir une approche plus technique, pour maîtriser les réglages, et plus agronomique pour éviter les impacts indésirables sur la production. En effet, la phase de transition est la plus délicate dans la mesure où, sans travail depuis longtemps, il est possible de trouver une partie importante du système racinaire de la vigne dans les horizons superficiels sur lesquels les outils vont intervenir. C’est aussi la période pendant laquelle la flore à gérer va évoluer, en même temps que l’état de surface du sol, changeant les habitudes de travail.
Une palette d’outils complémentaires
Les principales catégories d’outils interceps sont les suivantes : les décavaillonneuses, les houes rotatives, les lames bineuses et les brosses. Il existe aussi une panoplie d’outils simplifiés et passifs, orientés vers l’augmentation du débit de chantier et la combinaison avec d’autres opérations au vignoble. Les décavaillonneuses fonctionnent en découpant une bande de terre et en la retournant, avec un soc versoir plus ou moins prononcé. Ces outils sont très efficaces mais présupposent qu’il existe un cavaillon formé au-dessus du niveau de l’inter-rang pour éviter de creuser et de toucher les racines superficielles des ceps. La gestion du déplacement de terre induit fait partie de la stratégie à mettre en place. La vitesse de travail est limitée avec ce type d’outil. Les houes rotatives sont intéressantes dans un sol meuble et frais pour leur impact de désherbage important. Elles sont limitées en vitesse d’avancement pour avoir le temps de travailler de part et d’autre du pied de vigne. Elles désherbent par sectionnement, arrachage et dispersion. De fait, il existe un déplacement de terre induit de manière assez diffuse avec ces outils, qu’il faut surveiller, sous peine de déchausser progressivement les vignes. Il existe des houes rotatives spécialement conçues pour ne pas trop déplacer de terre. Une centrale hydraulique est en général recommandée pour éviter la surchauffe du circuit hydraulique du tracteur.
Les lames bineuses réalisent un travail d’entretien plutôt superficiel. Elles soulèvent une bande de terre et le désherbage n’est assuré que si celle-ci se fragmente pour dissocier les mottes et les racines des adventices. La vitesse de travail idéale avec ces outils est donc plutôt élevée, vers 4 – 5 km/h, pour assurer la fragmentation. Le résultat peut être accentué avec divers dispositifs de fragmentation simplement fixés sur les lames.
Lame bineuse Gard avec cure cep et éléments de fragmentation. (crédit photo C.GAVIGLIO, IFV)

Brosses interceps Solemat (crédit photo C.GAVIGLIO, IFV)
Les brosses sur axe horizontal réalisent un travail à mi-chemin entre le désherbage mécanique et la tonte. Elles sont utiles pour maîtriser la flore adventice par une action agressive au sol ayant l’avantage de brosser le cep et donc d’épamprer lorsque c’est le moment, en laissant l’état de surface du sol à plat.
Des systèmes d’effacement variés.
Le porte-outil intercep est la base technique sur laquelle viennent se fixer les différentes catégories d’outils. C’est cette base qui contient le dispositif d’effacement, sur pivot, ou sur un parallélogramme déformable. La différence est le mouvement relatif de l’outil par rapport au pied de vigne, qui est perpendiculaire au sens d’avancement dans le cas du parallélogramme déformable. L’effacement est soit complètement mécanique, ce qui suppose un appui fort contre le cep, soit assisté avec un vérin hydraulique ou pneumatique. Ces solutions d’assistance permettent de gagner en réactivité dans des sols difficiles à travailler, ou quand le volume de terre à déplacer est important. Le déclenchement hydraulique permet aussi de retirer un outil devant un jeune complant sans s’appuyer sur celui-ci.
Quels grands principes et quelle stratégie ?
Le désherbage mécanique peut avoir un impact sur la production (Gaviglio C., 2012) pour différentes raisons. Les outils peuvent blesser ou sectionner les souches s’ils sont mal réglés, ou inévitablement couper quelques racines superficielles. D’autre part, le désherbage peut être imparfait, dans l’espace et dans le temps, l’action des outils n’ayant pas de persistance. Il subsiste donc une petite concurrence des adventices pour l’eau et pour l’azote. Pour limiter cet impact négatif, plusieurs voies d’optimisation sont à rechercher : au niveau de la stratégie des interventions pour l’efficacité de désherbage, au niveau du choix et du réglage des outils pour éviter les blessures.
Les grands principes à retenir pour réussir le désherbage mécanique sont les suivants : anticiper la croissance des adventices, gérer les déplacements de terre, alterner les outils, favoriser la vitesse de travail et prendre en compte le reste de l’itinéraire technique.
Il est nécessaire l’anticiper la croissance des mauvaises herbes car les outils interceps ne sont pas conçus pour débroussailler. Plus les herbes sont développées, plus il y a de cohésion entre leurs racines et la bande de terre travaillée d’une part et plus il y a de risques de bourrage d’autre part (avec les outils rotatifs notamment). Il est donc plus difficile d’arriver à la fragmentation voulue pour bien désherber et les réglages seront plus fastidieux. Stratégiquement, l’anticipation implique de réaliser une première intervention dès mi-février si l’état du sol le permet, à condition que les sarments soient broyés ou sortis de la parcelle. Cette première intervention a pour objectif principal de créer des conditions favorables (sol déjà travaillé, peu d’herbe) à la gestion du printemps, qui est la période la plus critique. Pendant la période estivale, l’entretien peut être plus rapide si le printemps a été bien géré. Autour de la récolte, une intervention est envisageable pour casser les levées automnales ou reformer le cavaillon. La gestion des déplacements de terre est cruciale, que cela soit dans une stratégie de chaussage – déchaussage ou dans un travail plus léger. Il faut maintenir une bande de terre meuble sur laquelle il est facile d’intervenir. Alterner les outils permet justement de gérer les déplacements de terre et évite l’apparition de lissages dans le sol à force de passages répétitifs. La prise en compte du reste de l’itinéraire technique est importante pour l’épamprage notamment : selon la planéité du sol les pampres sont plus ou moins accessibles aux moyens mécaniques d’épamprage. La gestion des fils releveurs est à prendre en compte également pour éviter que ceux-ci ne soient au sol au moment du désherbage mécanique.

Cycle du désherbage mécanique, C.GAVIGLIO (IFV)
Le réglage des outils pour optimiser le travail.
Trois réglages sont essentiels pour travailler avec précision et sécurité autour du pied de vigne : la profondeur de travail, le centrage des outils et la marge de sécurité définie avec le pare-cep.
Il y a bien d’autres réglages accessibles sur les différents outils pour le paramétrage de la sensibilité, de la dureté du retour hydraulique, etc., mais ils sont spécifiques et non génériques.
La profondeur de travail détermine la résistance rencontrée par l’outil dans le sol, le volume de terre déplacé et donc la force nécessaire pour l’effacement. L’action de désherbage étant plutôt superficielle, il est inutile de chercher trop de profondeur, c’est une source de complication dans les réglages puisqu’il devient plus difficile de trouver le bon compromis entre la vitesse et la réactivité des outils pour éviter les souches.
Le centrage des outils est déterminant pour le bon positionnement par rapport à la ligne des souches : si on cherche un croisement excessif du travail des outils sur cette ligne, le débattement du système d’effacement sera lui aussi important et demandera plus de temps qu’avec un croisement minimum, au détriment de la vitesse de travail, et avec un risque supérieur de blessures sur le tronc. Le pare-cep devra être réglé en fonction des caractéristiques des pieds de vigne : s’ils sont établis de façon très droite et très bien alignés, le réglage peut chercher une approche maximum pour limiter la zone non désherbée. A l’inverse, dans des parcelles moins idéales, une marge de sécurité peut être nécessaire : on cherchera un déclenchement du retrait quelques centimètres avant la souche. Pour limiter la prolifération d’adventices dans cette zone, on peut équiper les outils de cure-ceps, pièces mobiles articulées en bout de lame ou derrière le porte-outil, dont l’objectif est de venir au contact pour fractionner la bande de terre de sécurité. Idéalement, le pare-cep suit le sol, pour éviter de détecter le tronc d’un pied de vigne penché trop tôt, ou plus grave, trop tard.
Selon l’état de surface du sol, la présence de grosses mottes ou de cailloux, ou la présence de mauvaises herbes très développées, on peut être amené à relever le pare-cep. Les réglages de base que sont la profondeur, le centrage et la marge de sécurité ont encore plus d’importance dans le cadre d’une transition du désherbage chimique vers le désherbage mécanique car pendant cette période, il y a plus de risques de rencontrer des racines superficielles de taille importante dans la zone de travail, avant que le réseau racinaire ne puisse éventuellement se redéployer.
Conclusion
Le désherbage mécanique des vignes va probablement connaître une expansion importante compte tenu du contexte qui entoure l’utilisation des herbicides. Si cette technique est efficace lorsqu’elle est bien maîtrisée, son déploiement à grande échelle auprès de vignerons peu familiers avec le travail du sol va demander un effort de formation et d’information important. Ce qui est en jeu, c’est la maîtrise technique, pour limiter ou éviter les écueils agronomiques liés au changement de pratique. Ce changement devra aussi être accompagné financièrement car le surcoût directement lié à la substitution des herbicides par du travail mécanique est de l’ordre de 200 à 300 euros par hectare en vignes larges, et ne prend pas en compte la réorganisation du travail qu’elle implique sur les explorations.
Article rédigé par Christophe Gaviglio, Pôle Sud-Ouest de l’IFV.

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Bonjour
Le paillage et plus particulièrement en laine de mouton a t’il été étudié?
Cordialement
Sylvain Mansuy
Bonjour,
Nous avons étudié le paillage, sous diverses formes (chènevotte, paille de céréale, feutre végétal) mais pas le paillage de mouton.
Cordialement,
L’Equipe IFV