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Des biosolutions prometteuses contre le black-rot

 Face au fort risque de pertes d’usage pour les IDM, les strobilurines et les matières actives de contact à mode d’action multisite, à la base de la lutte contre le black-rot, l’Institut français de la vigne et du vin a évalué l’efficacité de plus de 30 biosolutions.

Dans le cadre du projet « Zéro black-rot » conduit en partenariat avec INRAE et les Chambres d’agriculture sur la période 2021-2024, une trentaine de biosolutions commercialisées ou en cours d’homologation ont été évaluées sur la plateforme BC2Grape de l’UMT SEVEN à Villenave d’Ornon. «L’idée était de développer un continuum de la boîte de pétri jusqu’à la vigne» relate Xavier Burgun, coordinateur des essais pour l’IFV.

Les équipes de la plateforme BC2Grape ont d’abord mis au point une nouvelle méthode de criblage permettant de vérifier l’effet des biosolutions au laboratoire in-vitro et en serre sur des boutures foliées.

«Au laboratoire et sur boutures foliées cultivées sous serre, les meilleurs résultats ont été obtenus avec les produits de biocontrôle de la famille des soufres mouillables, des hydrogénocarbonates de potassium (Armicarb® et Vitisan®) et les phosphonates de potassium (LBG-01F34® et Redeli®) » annonce Xavier Burgun.  Sous conditions contrôlées, l’huile essentielle d’orange douce, l’ABE-IT 56 (Belvine®), le Bacillus pumilus (Sonata®), le polysulfure de calcium (Curatio®) et un mélange de terpènes (Mévalone®) ont également réussi à inhiber le développement du black-rot.

Parmi les substances de base, les partenaires ont retenu l’hydrogénocarbonate de sodium (Carpet®), et le lactosérum associé à du soufre élémentaire.

Des biostimulants et fertilisants ont également été testés à la suite de remontées de viticulteurs et de conseillers, essentiellement des produits à base d’oligo-éléments (Mn, Zn, Silice…), d’extraits de plantes, et d’algues. Plusieurs ont montré un effet sur le développement du black-rot. Reste à vérifier qu’ils sont aussi efficaces sur le terrain, à comprendre leur mode d’action et à étudier l’influence de la présence de cuivre dans plusieurs des formulations.

Bons points à la vigne pour l’Armicarb® et le phosphonate de potassium 

A partir de 2022, Les produits les plus performants en serre ont été testés sur des micro-placettes dans dix parcelles de différentes régions viticoles essentiellement plantées de cépages résistants sensibles au black-rot. «Nous avons pour le moment testé les produits sélectionnés dans la phase de criblage en 2022: l’huile essentielle d’orange douce, Carpet®, Redeli®, Sonata®, Vitisan®, Armicarb® et LBG®. Les produits LBG® et Armicarb® ont été testés en association avec du soufre mouillable » liste l’ingénieur. «Le soufre a un très bon effet sur la germination et la pénétration du black-rot dans la plante et pourrait tout à fait être homologué pour cet usage» poursuit-il.

Les produits ont été appliqués tous les 10 jours. «Nous avons regardé leur régularité, le nombre de fois où ils se différencient du témoin non traité, et l’efficacité, la différence entre les dégâts observés sur le cep traité et le témoin».

Le stimulateur de défenses à base de d’écorces de levures Roméo®, le Bacillus pumilus Sonata®, et le disodium phosphonate Redeli® ont jusqu’à présent donné des résultats insatisfaisants sur le terrain. L’huile essentielle d’orange douce, Carpet® et Vitisan® ont montré une bonne efficacité et régularité sur feuilles en début de saison, mais ont jusqu’à présent été moins performants sur les grappes.

Des résultats complémentaires sont attendus en 2024 sur l’huile essentielle d’orange douce, l’hydrogénocarbonate de sodium et Vitisan®. Des nouveaux candidats issus de la plateforme BC2 Grape vont également être évalués.

L’Armicarb s’en est mieux tiré, avec une régularité de 60% sur feuilles comme sur grappes, et une efficacité de 56% sur feuilles et 30% sur grappes, dans des conditions de forte pression black-rot. «Ces résultats sont équivalents à ceux que nous avons eu avec le soufre mouillable, une bonne référence sur le terrain» analyse Xavier Burgun.  Ils pourraient s’expliquer par le fait qu’Armicarb ® contient 15% d’un co-formulant, alors que Carpet® et Vitisan® sont des hydrogénocarbonates purs. Des essais complémentaires sont à réaliser pour confirmer cette hypothèse. Associé à du soufre mouillable, Armicarb® a montré 100% et 80% de régularité sur feuilles et sur grappes, et 67% et 79% d’efficacité.

Comme l’Armicarb®, le phosphonate de potassium a été très bon, avec 70 et 67% de régularité sur feuilles et sur grappes, et 59 et 50% d’efficacité. Associé à du soufre mouillable, il a présenté une efficacité de 78 % sur grappes, «presque autant que les référencesPolyram DF® et l’association de soufre et de cuivre» précise l’ingénieur. Le phosphonate de potassium est d’autant plus intéressant qu’il agit de manière systémique et que le black-rot attaque les organes jeunes. En revanche il est interdit en bio.

 

De nouveaux essais sont en cours cette année avec des nouveaux candidats issus de la plateforme BC2 Grape en 2023.

Vers une intégration dans le programme des viticulteurs 

Comme les produits de biocontrôle sont relativement coûteux, les expérimentateurs du projet « Zéro black-rot » sont aussi en train d’optimiser le positionnement des biosolutions dans l’itinéraire des viticulteurs. «En bio, on pourrait par exemple commencer avec du cuivre et du soufre, et ne rajouter l’Armicarb® que passé un certain niveau de pression, ou décider de n’appliquer l’Armicarb® que pendant la phase de sensibilité des grappes, pour profiter de sa polyvalence sur plusieurs maladies ».

Ils travaillent également à l’amélioration de la modélisation du risque black-rot et développent de nouveaux indicateurs basés sur la sporée aérienne.

L’IFV a d’ores et déjà prévu de continuer les recherches sur le black-rot dans le cadre du plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (PARSADA).